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Version du 27 mars 2024 à 07:55

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w:Yánis Varoufákis

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Sources :

Pressenza - fév 2024

Dollar numérisé.png


Source : https://www.pressenza.com/fr/2024/02/le-capitalisme-a-quitte-la-scene-place-au-technofeodalisme/

Le capitalisme a quitté la scène. Place au Technoféodalisme

29.02.24 - New York, Etats-Unis - Mark Lesseraux

Cet article est aussi disponible en: Anglais, Espagnol, Italien

La recherche d’une définition

Au cours des quatre ou cinq dernières années, comme presque tout le monde, j’ai eu l’impression qu’une sorte d’énorme changement, une sorte de bouleversement s’était produit, que je n’avais pas réussi à définir. Il y a certainement eu des événements qui se sont démarqués. Il y a eu la présidence de Trump, il y a eu la pandémie de COVID, il y a les horribles guerres en Ukraine, à Gaza et ailleurs, etc. Cependant, aucun de ces phénomènes n’a été convaincant, par lui-même ni en conjonction avec les autres, en tant que réponse satisfaisante à ma requête.

Le socialisme inversé ?

Il y a deux ans, j’ai écrit un article pour Pressenza intitulé « Nous sommes entrés dans une ère post-capitaliste« . (1) Dans cet article, je mentionnais que j’avais qualifié la fin des années 2010 et le début des années 2020 d’ère du socialisme inversé. Dans cette ère, dans laquelle nous nous trouvons toujours, les pauvres et la classe moyenne supportent la majorité de la charge fiscale, tandis que les plus riches parmi les riches ne paient souvent que peu ou pas d’impôts. Parallèlement, au cours des dernières années, l’écart de richesse entre les super-riches et les autres s’est creusé à un rythme que l’on n’aurait jamais cru possible.

Arrive le Technoféodalisme

Je me contentais d’appeler ce phénomène le socialisme inversé jusqu’à ce que je découvre un clip youtube dans lequel l’économiste/écrivain Yanis Varoufakis mentionne le terme « Technoféodalisme ». Dès les premières minutes de sa description de ce terme, j’ai su que j’étais en train d’écouter une articulation remarquablement claire de ce qui allait bientôt devenir une observation et une théorie socio-économique monumentale.

Les « Cloudalistes » et le capital Cloud

Le nouveau livre de Varoufakis, « Technofeudalism : What Killed Capitalism », publié fin 2023, est une description magnifiquement écrite de la manière dont l’ensemble de l’économie mondiale est passée du capitalisme à un nouveau type de féodalisme au cours des dernières années. Ce que nous avons aujourd’hui, c’est une poignée de ce que Varoufakis appelle les « cloudalistes » qui contrôlent le « capital cloud ». Ces seigneurs techno-féodaux possèdent les plateformes de nuage existantes (Amazon .com, Facebook, Google Cloud et quelques autres) auxquelles tous les autres capitalistes doivent verser quarante pour cent de leurs bénéfices pour pouvoir faire des affaires dans les nuages de ces « cloudalistes ». Ces nouveaux seigneurs techno-féodaux des clouds se contentent de percevoir les loyers de leurs vassaux capitalistes qui font désormais partie du nouveau servage des cloudalistes. Un servage qui consiste en l’ensemble des 7 milliards et demi d’entre nous.

La fin de la motivation du profit

Pour la première fois dans l’histoire, étonnamment, le profit n’est plus le moteur de l’économie de marché mondiale. Cela est apparu pour la première fois il y a quelques années, le 12 août 2020. Craignant une répétition durant la pandémie de ce qui s’est passé en 2008, la Réserve fédérale ou Fed (banque centrale des États-Unis) a (à nouveau) imprimé et mis en circulation une énorme quantité d’argent. Cet argent a fini par suivre le chemin de moindre résistance vers les super-riches, comme il l’avait fait par le passé. Sauf que cette fois-ci, il y a eu une différence gigantesque dans les résultats. Constatant la fausse évaluation du capital papier résultant de la surimpression de masse continue, « les ‘cloudalistes’ comme Jeff Bezos et Elon Musk ont agi rapidement, échangeant joyeusement leur capital papier contre ce qui finirait par être un bien meilleur extracteur de valeur : le ‘Capital Cloud' ». (2)

Le profit est pour les perdants

Bezos et Musk ont compris que le profit n’avait plus d’importance et que le capital papier sur lequel leurs collègues multimilliardaires étaient assis perdrait bientôt une grande partie de sa valeur gonflée. Ils savaient que le plus important était de saisir cette opportunité pour établir une domination totale du marché. En 2021, un rapport financier officiel publié par Goldman Sachs a parfaitement illustré la façon dont cette nouvelle prise de contrôle a émancipé le capitalisme des profits. Le rapport présentait un petit groupe de capitalistes « déficitaires » qui ont effectivement usurpé le contrôle du marché.

Le coup de Bezos et Musk en 2020

Entre 2017 et le début de la pandémie, les entreprises Cloudalistes déficitaires ont vu la valeur de leurs actions augmenter de 200 %. Au milieu de la pandémie, cette valeur a encore augmenté de 300 %. En 2020, l’entreprise Amazon de Jeff Bezos a connu l’année la plus explosive de son histoire, affichant ce qui aurait représenté 44 milliards de bénéfices. Bezos n’a cependant payé aucun impôt cette année-là, en affichant une marge bénéficiaire de 0. Elon Musk a fait quelque chose de très similaire en 2020, lorsque le cours de ses actions a augmenté de 743 % à la fin de l’année. Il a également affiché une marge bénéficiaire légèrement inférieure à zéro.

La nouvelle noblesse du Cloud

Avec ce qui aurait été près de 100 milliards de bénéfices combinés en 2020, Bezos et Musk ont investi une grande partie de leur capital gouvernemental fraîchement imprimé dans des fermes de serveurs, des câbles de fibre optique, des laboratoires d’IA, des entrepôts gigantesques, des développeurs de logiciels, des ingénieurs de haut niveau, etc. Dans un environnement où le profit a été remplacé par des milliards de capitaux fraîchement imprimés comme moteur de l’économie, les « cloudalistes » ont saisi l’opportunité de créer un nouvel empire. L’ébranlement de l’un des principes fondamentaux du capitalisme, la recherche du profit, était achevé. Une nouvelle noblesse du Cloud était née.

Les trois grands

Un autre groupe de super-seigneurs s’est élevé en même temps que les cloudalistes susmentionnés. Trois sociétés américaines dotées de pouvoirs supérieurs à ceux de tous les capitalistes terrestres réunis, Blackrock, Vanguard et State Street (les « Big Three »), détiennent aujourd’hui le capitalisme américain. Elles possèdent toutes les grandes compagnies aériennes américaines, la majeure partie de Wall Street, JP Morgan Chase, Welles-Fargo, Bank of America, City Group et des constructeurs automobiles tels que Ford et General Motors. Ensemble, ces trois sociétés sont les principaux actionnaires de 90 % des sociétés cotées à la Bourse de New York. Parmi elles, Apple, Exxon Mobil, General Electric et Coca-Cola.

Vingt-deux mille milliards

Blackrock gère 10 000 milliards de dollars d’investissements, Vanguard 8 000 milliards et State Street 4 000 milliards. Cela équivaut au revenu national total des États-Unis et à la somme des revenus nationaux de la Chine et du Japon. Rien de tout cela n’aurait été possible sans les milliers de milliards de dollars qui ont été imprimés et injectés dans le système depuis 2008. La part du lion de cet argent s’est accumulée dans les mains de ces trois conglomérats et des cloudalistes susmentionnés, qui ont tous capitalisé sur le nouveau modèle « déficitaire ». La prise de contrôle sans précédent de la majorité du marché par ces trois entreprises leur a permis de facturer des loyers tout aussi exorbitants que les « cloudalistes » susmentionnés.

Algorithmes, etc.

Ce passage du capitalisme au technoféodalisme comporte des aspects importants qui nécessiteraient  trois ou quatre pages. Tout d’abord, la Chine dispose également d’un centre de cloud compétitif qui, selon Varoufakis, est la véritable cause des tentatives constantes des États-Unis de la provoquer dans un conflit.

Il y a aussi la question de la façon dont nous sommes tous formés et entraînés par nos gadgets et l’algorithme. Je recommande vivement le livre de Yanis si vous voulez tout savoir. En plus d’être novateur et instructif, c’est une lecture et/ou une écoute agréable. Je suis en train d’écouter la version audio du livre qui est narrée par Varoufakis lui-même. Je n’en dirai jamais assez à ce sujet.(3) Le livre a clarifié certaines choses que je trouvais assez obscures avant de le lire. Et aussi sombre que le sujet puisse paraître à première vue, il y a quelque chose d’optimiste et d’étrangement réjouissant dans ce livre. Je ne serais pas aussi prompt à le recommander si ce n’était pas le cas.

Enfin

Je vais parier qu’à ce stade du jeu, la majorité de ceux qui ont lu cet article jusqu’au bout n’ont pas besoin d’être alertés sur le fait que les récits qui sont poussés par les médias « grand public » sont façonnés et élaborés par les seigneurs du Cloud susmentionnés qui possèdent TOUS les médias et publications traditionnels « grand public » existants. Je parie également que la grande majorité d’entre vous sait, à ce stade, que tous les politiciens des deux principaux partis politiques américains sont des porte-parole du complexe militaro-industriel, qui est également intimement lié à ces seigneurs technoféodaux et leur est financièrement redevable.

CITATIONS:

1. https://www.pressenza.com/2022/04/we-have-entered-a-post-capitalist-era/

2. Chapter 4, p. 137, Varoufakis, Yanis, Melville House 2023, “Technofeudalism: What Killed Capitalism”

3. https://www.youtube.com/watch?v=gioEct6Kexs


Traduit de l’anglais par Evelyn Tischer

Adults in the Room (film) - 2019

Affiche du film "Adults in the room".png

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Source : https://tube.aquilenet.fr/w/n6zcHs7mGvkLe8Bb4WC1FR

Site du film : https://www.elledriver.fr/en/movie/adults-room