Différences entre les versions de « Mattias Desmet/2025.06.12 »

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Il est également quelque peu ironique que quelques années après sa mort, le gouvernement ait adopté le « discours prepper » de Yannick. L'Europe recommande désormais de se munir d'urgence d'un kit de survie à la maison. Poutine prépare secrètement un attentat à Bruxelles (une autre théorie du complot du gouvernement). Un kit de survie ne suffira même pas. Nous devons nous armer massivement. Les projets de nouvelles infrastructures militaires se multiplient. Les réserves naturelles doivent céder du terrain ; Poutine est encore plus dangereux que le changement climatique.
Il est également quelque peu ironique que quelques années après sa mort, le gouvernement ait adopté le « discours prepper » de Yannick. L'Europe recommande désormais de se munir d'urgence d'un kit de survie à la maison. Poutine prépare secrètement un attentat à Bruxelles (une autre théorie du complot du gouvernement). Un kit de survie ne suffira même pas. Nous devons nous armer massivement. Les projets de nouvelles infrastructures militaires se multiplient. Les réserves naturelles doivent céder du terrain ; Poutine est encore plus dangereux que le changement climatique.


Le premier ministre belge - qui, en temps normal, est l'un des hommes politiques les plus intelligents et possède d'excellentes connaissances historiques - montre qu'il est prêt à faire de grands sacrifices. Il a publié sur les médias sociaux une photo de son fils nettoyant une terrasse en uniforme militaire ; il est impatient de rejoindre les réservistes. Le ministre de la défense ne peut pas rester en arrière. Il a créé une division au sein de l'armée où les jeunes peuvent se familiariser avec la technologie et les opérations des drones afin de susciter leur intérêt pour l'armée. Il a également posté un dessin de lui en Rambo avec un lance-roquettes. Comparé à ce ministre, Yannick Verdyck est un tendre.
Le premier ministre belge - qui, en temps normal, est l'un des hommes politiques les plus intelligents et possède d'excellentes connaissances historiques - montre qu'il est prêt à faire de grands sacrifices. Il a publié sur les médias sociaux une photo de son fils nettoyant une terrasse en uniforme militaire ; il est impatient de rejoindre les réservistes. Le ministre de la défense ne peut pas rester en arrière. Il a créé une division au sein de l'armée où les jeunes peuvent se familiariser avec la technologie et les opérations des drones afin de susciter leur intérêt pour l'armée. Il a également posté un dessin de lui en Rambo avec un lance-roquettes. Comparé à ce ministre, Yannick Verdyck est un tendre.


Bien sûr, je comprends que Yannick, contrairement à ces ministres, exprime son discours à partir d'un « sentiment anti-gouvernemental ». En d'autres termes : La grande culpabilité de Yannick n'est pas de glorifier les armes mais de s'opposer à l'ordre établi. Les médias l'ont d'ailleurs explicitement mentionné : Yannick était un « penseur anti-gouvernemental ». C'est apparemment devenu un nouveau stigmate systématiquement utilisé dans les médias ces dernières années. Quelqu'un peut-il m'expliquer : depuis quand est-il interdit d'être contre le gouvernement ? Un gouvernement qui interdit l'opposition n'est-il pas par définition une dictature, donc un gouvernement auquel il faut s'opposer ?
Bien sûr, je comprends que Yannick, contrairement à ces ministres, exprime son discours à partir d'un « sentiment anti-gouvernemental ». En d'autres termes : La grande culpabilité de Yannick n'est pas de glorifier les armes mais de s'opposer à l'ordre établi. Les médias l'ont d'ailleurs explicitement mentionné : Yannick était un « penseur anti-gouvernemental ». C'est apparemment devenu un nouveau stigmate systématiquement utilisé dans les médias ces dernières années. Quelqu'un peut-il m'expliquer : depuis quand est-il interdit d'être contre le gouvernement ? Un gouvernement qui interdit l'opposition n'est-il pas par définition une dictature, donc un gouvernement auquel il faut s'opposer ?


Quelques jours après la mort de Yannick, les médias ont plus ou moins abandonné leur théorie du complot. Yannick était en effet un conspirationniste d'extrême droite, un anti-vax, un « prepper » et un anti-gouvernemental, mais il n'avait probablement pas d'armes illégales chez lui, ne préparait probablement pas d'attaque terroriste, et n'a probablement pas tiré sur la police.
Quelques jours après la mort de Yannick, les médias ont plus ou moins abandonné leur théorie du complot. Yannick était en effet un conspirationniste d'extrême droite, un anti-vax, un « prepper » et un anti-gouvernemental, mais il n'avait probablement pas d'armes illégales chez lui, ne préparait probablement pas d'attaque terroriste, et n'a probablement pas tiré sur la police.
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Il m'a fallu quelques jours pour réaliser que les articles de presse sur le terroriste abattu concernaient un jeune homme que j'avais moi-même rencontré à plusieurs reprises. Je me souviens du moment où j'ai réalisé cela de manière choquante. Au début, je n'avais pas fait le lien psychologique entre les photos et les histoires d'horreur dans les journaux et l'homme à qui j'avais parlé quelques fois lors de rassemblements de « corona-sceptiques ».
Il m'a fallu quelques jours pour réaliser que les articles de presse sur le terroriste abattu concernaient un jeune homme que j'avais moi-même rencontré à plusieurs reprises. Je me souviens du moment où j'ai réalisé cela de manière choquante. Au début, je n'avais pas fait le lien psychologique entre les photos et les histoires d'horreur dans les journaux et l'homme à qui j'avais parlé quelques fois lors de rassemblements de « corona-sceptiques ».
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Mais quelle est l'importance d'une image publique ? Une image ne cache-t-elle pas surtout quelque chose d'une personne plutôt que de montrer sa véritable essence ? Une société qui juge uniquement sur l'image est une société qui vit dans l'apparence, une société qui rejette l'essence de l'être humain, une société qui devient inévitablement déshumanisante.
Mais quelle est l'importance d'une image publique ? Une image ne cache-t-elle pas surtout quelque chose d'une personne plutôt que de montrer sa véritable essence ? Une société qui juge uniquement sur l'image est une société qui vit dans l'apparence, une société qui rejette l'essence de l'être humain, une société qui devient inévitablement déshumanisante.


Ceux qui connaissaient Yannick au-delà de l'image savaient qu'il s'agissait d'une personne facile à aimer. Je mets tout le monde au défi de regarder ce podcast avec Yannick. Après l'avoir regardé, dites-moi si vous pouvez encore rester indifférent à sa mort. Vous voyez Yannick tel que je l'ai connu : un interlocuteur un peu timide mais agréable. Il avait des opinions qu'il défendait avec passion mais, pour autant que je sache, il écoutait toujours les opinions des autres. Il laissait également une impression d'intelligence, notamment grâce à ses connaissances extraordinaires en mathématiques, en histoire et en économie. Chaque question que vous lui posiez était un cours gratuit.
Ceux qui connaissaient Yannick au-delà de l'image savaient qu'il s'agissait d'une personne facile à aimer. Je mets tout le monde au défi de regarder ce podcast avec Yannick. Après l'avoir regardé, dites-moi si vous pouvez encore rester indifférent à sa mort. Vous voyez Yannick tel que je l'ai connu : un interlocuteur un peu timide mais agréable. Il avait des opinions qu'il défendait avec passion mais, pour autant que je sache, il écoutait toujours les opinions des autres. Il laissait également une impression d'intelligence, notamment grâce à ses connaissances extraordinaires en mathématiques, en histoire et en économie. Chaque question que vous lui posiez était un cours gratuit.


Si Yannick n'était pas intéressant, il était drôle (souvent les deux à la fois). Il maîtrisait l'art de faire rire les gens sans offenser ni blesser personne. L'humour est une preuve de noblesse ; c'est un cristal formé dans une personne qui a enduré la dureté de l'existence tout en restant humaine. Je n'en sais pas assez sur le parcours de Yannick, mais je lis dans le langage de ses yeux et de son corps la gentillesse de quelqu'un qui a lutté avec la vie. Si je prenais cent photos de Yannick, aucune ne ressemblerait à celles que j'ai vues dans les journaux.
Si Yannick n'était pas intéressant, il était drôle (souvent les deux à la fois). Il maîtrisait l'art de faire rire les gens sans offenser ni blesser personne. L'humour est une preuve de noblesse ; c'est un cristal formé dans une personne qui a enduré la dureté de l'existence tout en restant humaine. Je n'en sais pas assez sur le parcours de Yannick, mais je lis dans le langage de ses yeux et de son corps la gentillesse de quelqu'un qui a lutté avec la vie. Si je prenais cent photos de Yannick, aucune ne ressemblerait à celles que j'ai vues dans les journaux.


Ceux qui connaissaient Yannick en tant que personne ont du mal à croire qu'il avait réellement l'intention de commettre un attentat terroriste. Peut-être qu'il s'agissait d'un discours musclé. À mon humble avis, Yannick n'était ni assez bête ni assez violent pour planifier un attentat. Cela ne veut pas dire que cette piste ne doit pas être explorée. L'être humain a plusieurs visages et plusieurs faces cachées. Certains vivent toute leur vie avec un tueur en série sans voir le monstre qui est en lui. Il n'est pas exclu que Yannick, derrière son air timide, intelligent et plein d'humour, ait aussi hébergé un terroriste.
Ceux qui connaissaient Yannick en tant que personne ont du mal à croire qu'il avait réellement l'intention de commettre un attentat terroriste. Peut-être qu'il s'agissait d'un discours musclé. À mon humble avis, Yannick n'était ni assez bête ni assez violent pour planifier un attentat. Cela ne veut pas dire que cette piste ne doit pas être explorée. L'être humain a plusieurs visages et plusieurs faces cachées. Certains vivent toute leur vie avec un tueur en série sans voir le monstre qui est en lui. Il n'est pas exclu que Yannick, derrière son air timide, intelligent et plein d'humour, ait aussi hébergé un terroriste.
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l y a quelques mois, trois ans après la mort de Yannick, un homme qui travaillait dans le domaine militaire m'a demandé de discuter avec lui. Il voulait parler d'un sujet d'importance sociale. Nous nous sommes rencontrés quelques semaines plus tard, en présence de mon assistante. Il m'a parlé d'un problème dans son milieu professionnel qui intéresse effectivement quelqu'un qui écrit sur le totalitarisme. Soudain, son discours a pris un détour. L'homme prétendait savoir exactement comment l'assassinat de Yannick s'était produit. Son histoire est la suivante :
Il y a quelques mois, trois ans après la mort de Yannick, un homme qui travaillait dans le domaine militaire m'a demandé de discuter avec lui. Il voulait parler d'un sujet d'importance sociale. Nous nous sommes rencontrés quelques semaines plus tard, en présence de mon assistante. Il m'a parlé d'un problème dans son milieu professionnel qui intéresse effectivement quelqu'un qui écrit sur le totalitarisme. Soudain, son discours a pris un détour. L'homme prétendait savoir exactement comment l'assassinat de Yannick s'était produit. Son histoire est la suivante :


Dans une organisation dont Yannick était membre, il y avait depuis des années un informateur de la sécurité de l'État. Une relation personnelle s'est développée avec Yannick qui, à la suite d'un incident dans la sphère sentimentale, s'est transformée en hostilité et en rivalité. L'informateur a alors envoyé un rapport à la sécurité de l'État, insistant sur la nécessité d'une enquête : "Yannick Verdyck a des armes chez lui ; il se méfie du gouvernement ; il fait partie d'un réseau de conspirationnistes.
Dans une organisation dont Yannick était membre, il y avait depuis des années un informateur de la sécurité de l'État. Une relation personnelle s'est développée avec Yannick qui, à la suite d'un incident dans la sphère sentimentale, s'est transformée en hostilité et en rivalité. L'informateur a alors envoyé un rapport à la sécurité de l'État, insistant sur la nécessité d'une enquête : "Yannick Verdyck a des armes chez lui ; il se méfie du gouvernement ; il fait partie d'un réseau de conspirationnistes.


La sécurité de l'État n'a pas enquêté plus avant sur le rapport, mais a immédiatement classé Yannick comme une menace pour l'État. Selon mon interlocuteur, cette situation n'est pas exceptionnelle. La sécurité de l'État est financée en fonction du nombre de situations dangereuses. Mieux vaut une situation dangereuse de trop que pas assez. Ils ont immédiatement transmis le rapport de l'informateur à la police, en demandant l'envoi d'une équipe d'intervention spéciale : action immédiate requise, si ce n'est pas ce soir, alors cette nuit. A ce moment-là, aucune équipe néerlandophone n'était disponible. On a donc envoyé des agents francophones. Le 28 septembre 2022, à cinq heures du matin, une unité d'intervention spéciale francophone fait sauter la porte de Yannick à l'aide d'explosifs et pénètre à l'intérieur.
La sécurité de l'État n'a pas enquêté plus avant sur le rapport, mais a immédiatement classé Yannick comme une menace pour l'État. Selon mon interlocuteur, cette situation n'est pas exceptionnelle. La sécurité de l'État est financée en fonction du nombre de situations dangereuses. Mieux vaut une situation dangereuse de trop que pas assez. Ils ont immédiatement transmis le rapport de l'informateur à la police, en demandant l'envoi d'une équipe d'intervention spéciale : action immédiate requise, si ce n'est pas ce soir, alors cette nuit. A ce moment-là, aucune équipe néerlandophone n'était disponible. On a donc envoyé des agents francophones. Le 28 septembre 2022, à cinq heures du matin, une unité d'intervention spéciale francophone fait sauter la porte de Yannick à l'aide d'explosifs et pénètre à l'intérieur.
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Cette histoire n'est pas une théorie du complot. Elle présente la mort de Yannick comme un excès de ce que Hannah Arendt appelle la « tyrannie sans tyran », un système bureaucratique avancé où tout le monde suit des règles (absurdes) et où personne ne se sent responsable :
Cette histoire n'est pas une théorie du complot. Elle présente la mort de Yannick comme un excès de ce que Hannah Arendt appelle la « tyrannie sans tyran », un système bureaucratique avancé où tout le monde suit des règles (absurdes) et où personne ne se sent responsable :


"Dans une bureaucratie pleinement développée, il n'y a plus personne avec qui l'on puisse discuter, à qui l'on puisse présenter des griefs, sur qui l'on puisse exercer les pressions du pouvoir. La bureaucratie est la forme de gouvernement dans laquelle chacun est privé de la liberté politique, du pouvoir d'agir ; car la règle de Personne n'est pas une règle sans règle, et lorsque tous sont également impuissants, nous avons une tyrannie sans tyran". (Arendt, 1970, De la violence)
"Dans une bureaucratie pleinement développée, il n'y a plus personne avec qui l'on puisse discuter, à qui l'on puisse présenter des griefs, sur qui l'on puisse exercer les pressions du pouvoir. La bureaucratie est la forme de gouvernement dans laquelle chacun est privé de la liberté politique, du pouvoir d'agir ; car la règle de Personne n'est pas une règle sans règle, et lorsque tous sont également impuissants, nous avons une tyrannie sans tyran". (Arendt, 1970, De la violence)
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Si la bureaucratie est le meurtrier de Yannick, cela signifie-t-il que personne n'a consciemment voulu le tuer et que personne n'est responsable de sa mort ? « On est responsable de son inconscient », affirmait Sigmund Freud. Je suis d'accord avec Freud. Mais la question de la culpabilité est plus complexe que dans le cas d'un meurtre intentionnel et planifié. Dans ce cas, il n'y a pas de coupable unique, mais plutôt un groupe de semi-coupables, une tumeur temporairement mortelle qui émerge dans un tissu corporel bureaucratique qui a complètement perdu sa résistance naturelle à la pulsion de mort en raison de l'absence de conscience éthique.
Si la bureaucratie est le meurtrier de Yannick, cela signifie-t-il que personne n'a consciemment voulu le tuer et que personne n'est responsable de sa mort ? « On est responsable de son inconscient », affirmait Sigmund Freud. Je suis d'accord avec Freud. Mais la question de la culpabilité est plus complexe que dans le cas d'un meurtre intentionnel et planifié. Dans ce cas, il n'y a pas de coupable unique, mais plutôt un groupe de semi-coupables, une tumeur temporairement mortelle qui émerge dans un tissu corporel bureaucratique qui a complètement perdu sa résistance naturelle à la pulsion de mort en raison de l'absence de conscience éthique.


Intellectuellement et émotionnellement, cette analyse est beaucoup plus stimulante qu'une analyse de la conspiration. Elle nous oblige à considérer les grands problèmes sociétaux de notre époque dans toute leur complexité et à oser poser les questions les plus difficiles : Comment ce Léviathan bureaucratique est-il apparu au cours de la modernité ? Quel est le lien avec la pseudo-rationalité (rationalisme) de la culture des Lumières ? Cette analyse exige que nous transcendions mentalement notre vision rationaliste du monde et que nous vivions notre réalité comme le produit de processus (métaphysiques) qui dépassent en fin de compte toute compréhension rationnelle. Une analyse conspirationniste rend tout cela inutile. La vérité est simple : le problème, c'est l'élite malveillante, et il n'est pas nécessaire de transcender le rationalisme ou la métaphysique pour comprendre la réalité.
Intellectuellement et émotionnellement, cette analyse est beaucoup plus stimulante qu'une analyse de la conspiration. Elle nous oblige à considérer les grands problèmes sociétaux de notre époque dans toute leur complexité et à oser poser les questions les plus difficiles : Comment ce Léviathan bureaucratique est-il apparu au cours de la modernité ? Quel est le lien avec la pseudo-rationalité (rationalisme) de la culture des Lumières ? Cette analyse exige que nous transcendions mentalement notre vision rationaliste du monde et que nous vivions notre réalité comme le produit de processus (métaphysiques) qui dépassent en fin de compte toute compréhension rationnelle. Une analyse conspirationniste rend tout cela inutile. La vérité est simple : le problème, c'est l'élite malveillante, et il n'est pas nécessaire de transcender le rationalisme ou la métaphysique pour comprendre la réalité.


Le plus grand défi, cependant, n'est pas intellectuel mais émotionnel et humain. La théorie du complot simplifie également les choses dans un premier temps. Une fois le grand coupable connu, nous pouvons concentrer sur lui nos émotions débordantes. Il n'est pas nécessaire de voir un reflet de nous-mêmes dans les bureaucrates et la police ; il n'est pas nécessaire de reconnaître que, dans certaines circonstances, nous faisons aussi partie de la tumeur bureaucratique malveillante qui a coûté la vie à Yannick.
Le plus grand défi, cependant, n'est pas intellectuel mais émotionnel et humain. La théorie du complot simplifie également les choses dans un premier temps. Une fois le grand coupable connu, nous pouvons concentrer sur lui nos émotions débordantes. Il n'est pas nécessaire de voir un reflet de nous-mêmes dans les bureaucrates et la police ; il n'est pas nécessaire de reconnaître que, dans certaines circonstances, nous faisons aussi partie de la tumeur bureaucratique malveillante qui a coûté la vie à Yannick.


Les théories du complot, qu'elles émanent du gouvernement ou de dissidents, sont parfois vraies, parfois fausses. Mais elles ont presque toujours tendance à désigner des boucs émissaires et à simplifier à l'excès les intentions humaines. Par exemple, elles ignorent le fait que les humains ne connaissent généralement pas pleinement leurs propres intentions et sont divisés entre toutes sortes de désirs et d'impulsions. En ce sens, une théorie du complot (erronée) fait injure au bouc émissaire, le déshumanise, alors qu'en réalité, il s'agit bien d'une personne, d'une personne étonnamment ordinaire.
Les théories du complot, qu'elles émanent du gouvernement ou de dissidents, sont parfois vraies, parfois fausses. Mais elles ont presque toujours tendance à désigner des boucs émissaires et à simplifier à l'excès les intentions humaines. Par exemple, elles ignorent le fait que les humains ne connaissent généralement pas pleinement leurs propres intentions et sont divisés entre toutes sortes de désirs et d'impulsions. En ce sens, une théorie du complot (erronée) fait injure au bouc émissaire, le déshumanise, alors qu'en réalité, il s'agit bien d'une personne, d'une personne étonnamment ordinaire.
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C'est plus ou moins le message que Hannah Arendt a transmis avec sa « banalité du mal » : le mal n'est pas commis par des personnes exceptionnellement monstrueuses ; il est commis par des personnes étrangement ordinaires et quotidiennes, des personnes qui croient faire le bien mais qui deviennent involontairement des instruments de destruction et de déshumanisation. Ce n'est en aucun cas le privilège de l'élite ; on le trouve à tous les niveaux et, d'une certaine manière, dans chaque être humain (j'y reviendrai dans de futurs articles)
C'est plus ou moins le message que Hannah Arendt a transmis avec sa « banalité du mal » : le mal n'est pas commis par des personnes exceptionnellement monstrueuses ; il est commis par des personnes étrangement ordinaires et quotidiennes, des personnes qui croient faire le bien mais qui deviennent involontairement des instruments de destruction et de déshumanisation. Ce n'est en aucun cas le privilège de l'élite ; on le trouve à tous les niveaux et, d'une certaine manière, dans chaque être humain (j'y reviendrai dans de futurs articles)


Il est difficile de voir les personnes impliquées dans des affaires telles que la mort de Yannick, mais c'est la solution la plus correcte d'un point de vue intellectuel et éthique. C'est le plus grand hommage que nous puissions rendre à Yannick, peut-être la seule chose qui puisse vraiment donner un sens à sa mort absurde.
Il est difficile de voir les personnes impliquées dans des affaires telles que la mort de Yannick, mais c'est la solution la plus correcte d'un point de vue intellectuel et éthique. C'est le plus grand hommage que nous puissions rendre à Yannick, peut-être la seule chose qui puisse vraiment donner un sens à sa mort absurde.
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