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Il y a quelques mois, trois ans après la mort de Yannick, un homme qui travaillait dans le domaine militaire m'a demandé de discuter avec lui. Il voulait parler d'un sujet d'importance sociale. Nous nous sommes rencontrés quelques semaines plus tard, en présence de mon assistante. Il m'a parlé d'un problème dans son milieu professionnel qui intéresse effectivement quelqu'un qui écrit sur le totalitarisme. Soudain, son discours a pris un détour. L'homme prétendait savoir exactement comment l'assassinat de Yannick s'était produit. Son histoire est la suivante : | |||
Dans une organisation dont Yannick était membre, il y avait depuis des années un informateur de la sécurité de l'État. Une relation personnelle s'est développée avec Yannick qui, à la suite d'un incident dans la sphère sentimentale, s'est transformée en hostilité et en rivalité. L'informateur a alors envoyé un rapport à la sécurité de l'État, insistant sur la nécessité d'une enquête : "Yannick Verdyck a des armes chez lui ; il se méfie du gouvernement ; il fait partie d'un réseau de conspirationnistes. | Dans une organisation dont Yannick était membre, il y avait depuis des années un informateur de la sécurité de l'État. Une relation personnelle s'est développée avec Yannick qui, à la suite d'un incident dans la sphère sentimentale, s'est transformée en hostilité et en rivalité. L'informateur a alors envoyé un rapport à la sécurité de l'État, insistant sur la nécessité d'une enquête : "Yannick Verdyck a des armes chez lui ; il se méfie du gouvernement ; il fait partie d'un réseau de conspirationnistes. | ||
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Cette histoire n'est pas une théorie du complot. Elle présente la mort de Yannick comme un excès de ce que Hannah Arendt appelle la « tyrannie sans tyran », un système bureaucratique avancé où tout le monde suit des règles (absurdes) et où personne ne se sent responsable : | Cette histoire n'est pas une théorie du complot. Elle présente la mort de Yannick comme un excès de ce que Hannah Arendt appelle la « tyrannie sans tyran », un système bureaucratique avancé où tout le monde suit des règles (absurdes) et où personne ne se sent responsable : | ||
"Dans une bureaucratie pleinement développée, il n'y a plus personne avec qui l'on puisse discuter, à qui l'on puisse présenter des griefs, sur qui l'on puisse exercer les pressions du pouvoir. La bureaucratie est la forme de gouvernement dans laquelle chacun est privé de la liberté politique, du pouvoir d'agir ; car la règle de Personne n'est pas une règle sans règle, et lorsque tous sont également impuissants, nous avons une tyrannie sans tyran". (Arendt, 1970, De la violence) | ''"Dans une bureaucratie pleinement développée, il n'y a plus personne avec qui l'on puisse discuter, à qui l'on puisse présenter des griefs, sur qui l'on puisse exercer les pressions du pouvoir. La bureaucratie est la forme de gouvernement dans laquelle chacun est privé de la liberté politique, du pouvoir d'agir ; car la règle de Personne n'est pas une règle sans règle, et lorsque tous sont également impuissants, nous avons une tyrannie sans tyran"''. (Arendt, 1970, De la violence) | ||
Yannick Verdyck a-t-il été principalement assassiné par la bureaucratie, une bureaucratie qui, dans sa forme extrême, devient toujours absurde et meurtrière ? La bureaucratie est issue de la vision rationaliste du monde. Elle naît de l'illusion que la coexistence humaine doit être organisée sur la base de règles (pseudo)rationnelles au lieu d'une loi qui soit véritablement une loi, c'est-à-dire une loi fondée sur une conscience éthique. Dans les systèmes bureaucratiques, en fin de compte, toute loi et toute conscience éthique sont perdues. | Yannick Verdyck a-t-il été principalement assassiné par la bureaucratie, une bureaucratie qui, dans sa forme extrême, devient toujours absurde et meurtrière ? La bureaucratie est issue de la vision rationaliste du monde. Elle naît de l'illusion que la coexistence humaine doit être organisée sur la base de règles (pseudo)rationnelles au lieu d'une loi qui soit véritablement une loi, c'est-à-dire une loi fondée sur une conscience éthique. Dans les systèmes bureaucratiques, en fin de compte, toute loi et toute conscience éthique sont perdues. | ||
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C'est là le plus grand défi pour les personnes qui abordent aujourd'hui de manière critique le récit dominant (mainstream) : abandonner les interprétations psychologiquement simplistes. Cette voie est intellectuellement et humainement beaucoup plus difficile. Au lieu de chasser fébrilement l'élite malveillante, l'éveil se concentre alors sur la confrontation et le travail avec nos propres parts d'ombre. | C'est là le plus grand défi pour les personnes qui abordent aujourd'hui de manière critique le récit dominant (mainstream) : abandonner les interprétations psychologiquement simplistes. Cette voie est intellectuellement et humainement beaucoup plus difficile. Au lieu de chasser fébrilement l'élite malveillante, l'éveil se concentre alors sur la confrontation et le travail avec nos propres parts d'ombre. | ||
C'est plus ou moins le message que Hannah Arendt a transmis avec sa « banalité du mal » : le mal n'est pas commis par des personnes exceptionnellement monstrueuses ; il est commis par des personnes étrangement ordinaires et quotidiennes, des personnes qui croient faire le bien mais qui deviennent involontairement des instruments de destruction et de déshumanisation. Ce n'est en aucun cas le privilège de l'élite ; on le trouve à tous les niveaux et, d'une certaine manière, dans chaque être humain (j'y reviendrai dans de futurs articles) | C'est plus ou moins le message que Hannah Arendt a transmis avec sa « banalité du mal » : le mal n'est pas commis par des personnes exceptionnellement monstrueuses ; il est commis par des personnes étrangement ordinaires et quotidiennes, des personnes qui croient faire le bien mais qui deviennent involontairement des instruments de destruction et de déshumanisation. Ce n'est en aucun cas le privilège de l'élite ; on le trouve à tous les niveaux et, d'une certaine manière, dans chaque être humain (j'y reviendrai dans de futurs articles). | ||
Il est difficile de voir les personnes impliquées dans des affaires telles que la mort de Yannick, mais c'est la solution la plus correcte d'un point de vue intellectuel et éthique. C'est le plus grand hommage que nous puissions rendre à Yannick, peut-être la seule chose qui puisse vraiment donner un sens à sa mort absurde. | Il est difficile de voir les personnes impliquées dans des affaires telles que la mort de Yannick, mais c'est la solution la plus correcte d'un point de vue intellectuel et éthique. C'est le plus grand hommage que nous puissions rendre à Yannick, peut-être la seule chose qui puisse vraiment donner un sens à sa mort absurde. | ||
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