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(→Le paradis de la voix maternelle : petites corrections) |
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L'enfant flotte déjà sur les vagues de la voix maternelle dans le ventre de sa mère. Il enregistre le tempo, le rythme et d'autres propriétés sonores quelque part dans le tissu de sa chair. Immédiatement après la naissance, il reconnaîtra la voix de sa mère parmi toutes les autres voix. Placez un casque sur la tête de l'enfant pendant ses premières respirations ; faites-lui entendre la voix de la mère en tétant le sein gauche et la voix de quelqu'un d'autre en tétant le sein droit ; après | L'enfant flotte déjà sur les vagues de la voix maternelle dans le ventre de sa mère. Il enregistre le tempo, le rythme et d'autres propriétés sonores quelque part dans le tissu de sa chair. Immédiatement après la naissance, il reconnaîtra la voix de sa mère parmi toutes les autres voix. Placez un casque sur la tête de l'enfant pendant ses premières respirations ; faites-lui entendre la voix de la mère en tétant le sein gauche et la voix de quelqu'un d'autre en tétant le sein droit ; après peu de temps, il tétera beaucoup plus le sein gauche que le sein droit. Et il peut déjà reproduire quelque peu la voix de sa mère. Ses premiers cris et pleurs présentent déjà des similitudes mélodiques avec la voix de la mère. Il n'y a pas d'autre conclusion possible : il a appris la langue maternelle dans le ventre de sa mère. | ||
Après la naissance, le processus d'apprentissage se poursuit. L'enfant imite les expressions faciales et les sons de sa mère. Couché dans son berceau, il assiste à une procession de symboles maternels à son apogée - expressions faciales, postures corporelles et sons. Dans son désir d'union avec la mère, il participe à ce symbolisme primordial. Il observe les expressions faciales de la mère avec une attention intense et tente de les imiter de façon rudimentaire, il imite les sons de la mère dans ses premiers cris et roucoulements, et il éprouve le plus grand plaisir lorsqu'il constate que la mère répond en imitant l'enfant à son tour. | Après la naissance, le processus d'apprentissage se poursuit. L'enfant imite les expressions faciales et les sons de sa mère. Couché dans son berceau, il assiste à une procession de symboles maternels à son apogée - expressions faciales, postures corporelles et sons. Dans son désir d'union avec la mère, il participe à ce symbolisme primordial. Il observe les expressions faciales de la mère avec une attention intense et tente de les imiter de façon rudimentaire, il imite les sons de la mère dans ses premiers cris et roucoulements, et il éprouve le plus grand plaisir lorsqu'il constate que la mère répond en imitant l'enfant à son tour. | ||
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Le jeune enfant n'a pas encore d'ego et, par exemple, ne peut pas encore donner un sens aux mots, mais cela ne signifie pas qu'en termes de langage, il ne se différencie que négativement de l'adulte, en tant qu'être qui manque simplement de quelque chose. À certains égards, un enfant peut faire ''plus qu''<nowiki/>'un adulte. Il a une capacité d'apprentissage et d'absorption dont l'adulte ne peut que rêver. Par exemple, dans les premiers mois de son existence, un enfant a une capacité étonnante à distinguer les sons les uns des autres. En deux semaines, il peut apprendre à distinguer tous les phonèmes de toutes les langues du monde. En comparaison, un adulte n'y parviendrait pas en plusieurs années. | Le jeune enfant n'a pas encore d'ego et, par exemple, ne peut pas encore donner un sens aux mots, mais cela ne signifie pas qu'en termes de langage, il ne se différencie que négativement de l'adulte, en tant qu'être qui manque simplement de quelque chose. À certains égards, un enfant peut faire ''plus qu''<nowiki/>'un adulte. Il a une capacité d'apprentissage et d'absorption dont l'adulte ne peut que rêver. Par exemple, dans les premiers mois de son existence, un enfant a une capacité étonnante à distinguer les sons les uns des autres. En deux semaines, il peut apprendre à distinguer tous les phonèmes de toutes les langues du monde. En comparaison, un adulte n'y parviendrait pas en plusieurs années. | ||
Le plus intéressant est que ce processus d'apprentissage rapide ne se produit que lorsque l'enfant écoute un Autre physiquement présent. Il ne se produit pas lorsque l'enfant écoute des enregistrements audio ou vidéo. Dans ces circonstances, les sons linguistiques ne semblent pas vraiment intéresser l'enfant. Si l'enfant porte autant d'attention et d'intérêt au langage, c'est parce qu'il voit dans les sons une porte d'accès au corps de l'Autre. Il veut se connecter à ce corps. Imiter ses sons est un moyen d'y parvenir. En un sens, l'enfant utilise le langage dans le même but que les supporters de football lorsqu'ils chantent ensemble : pour éprouver le plaisir d'une connexion résonnante. Cela nous montre (une fois de plus) que le langage est à l'origine un moyen utilisé pour relier des corps animés | Le plus intéressant est que ce processus d'apprentissage rapide ne se produit que lorsque l'enfant écoute un Autre physiquement présent. Il ne se produit pas lorsque l'enfant écoute des enregistrements audio ou vidéo. Dans ces circonstances, les sons linguistiques ne semblent pas vraiment intéresser l'enfant. Si l'enfant porte autant d'attention et d'intérêt au langage, c'est parce qu'il voit dans les sons une porte d'accès au corps de l'Autre. Il veut se connecter à ce corps. Imiter ses sons est un moyen d'y parvenir. En un sens, l'enfant utilise le langage dans le même but que les supporters de football lorsqu'ils chantent ensemble : pour éprouver le plaisir d'une connexion résonnante. Cela nous montre (une fois de plus) que le langage est à l'origine un moyen utilisé pour relier entre eux des corps animés. | ||
Nous constatons ici une différence radicale avec la vision transhumaniste du langage. Les transhumanistes considèrent le langage comme un simple moyen de transmettre des informations de manière rationnelle. « Les humains sont devenus les animaux les plus puissants de la planète parce qu'ils pouvaient échanger des informations plus efficacement grâce au langage » (voir Harari). | Nous constatons ici une différence radicale avec la vision transhumaniste du langage. Les transhumanistes considèrent le langage comme un simple moyen de transmettre des informations de manière rationnelle. « Les humains sont devenus les animaux les plus puissants de la planète parce qu'ils pouvaient échanger des informations plus efficacement grâce au langage » (voir Harari). | ||
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Le transhumanisme, dans son fanatisme idéologique, oublie quelque chose. Il oublie même l'''essence du'' langage. L'échange d'informations n'est pas la fonction primordiale du langage. Au commencement, le langage n'est porteur d'aucun sens et ne renvoie à rien. Au début, la langue est porteuse de l'âme. Elle est plaisir et amour. C'est avant tout un phénomène sonore qui crée un lien par résonance. Dans la voix de la mère retentit la musique du paradis. La porte du paradis s'ouvre en chantant avec la chanson de la mère. | Le transhumanisme, dans son fanatisme idéologique, oublie quelque chose. Il oublie même l'''essence du'' langage. L'échange d'informations n'est pas la fonction primordiale du langage. Au commencement, le langage n'est porteur d'aucun sens et ne renvoie à rien. Au début, la langue est porteuse de l'âme. Elle est plaisir et amour. C'est avant tout un phénomène sonore qui crée un lien par résonance. Dans la voix de la mère retentit la musique du paradis. La porte du paradis s'ouvre en chantant avec la chanson de la mère. | ||
Et l'erreur du transhumanisme va plus loin. Le transhumanisme considère toute vie, toute forme d'échange d'un "organisme" avec son environnement comme une forme d'"échange d'informations" ou d'"échange de données". Le phénomène de la "vie" est considéré comme un processus algorithmique dans le matériel biologique. Un organisme qui | Et l'erreur du transhumanisme va plus loin. Le transhumanisme considère toute vie, toute forme d'échange d'un "organisme" avec son environnement comme une forme d'"échange d'informations" ou d'"échange de données". Le phénomène de la "vie" est considéré comme un processus algorithmique dans le matériel biologique. Un organisme qui en fait se nourrit d’échanges d’informations ou de données avec son environnement. L'organisme transforme la nourriture selon un certain algorithme. | ||
Harari a inventé le terme "dataisme" pour désigner cette idéologie. Chaque organisme, y compris les êtres humains, est une sorte de processeur qui effectue des transformations algorithmiques sur son environnement. Et ce processeur peut être reprogrammé ; les humains sont des "animaux piratables". Attendons encore un peu, et nous aurons entièrement défini les lois du flux de données de la vie et nous nous dépasserons en nous reprogrammant - bien mieux que la nature ne nous a programmés. | Harari a inventé le terme "dataisme" pour désigner cette idéologie. Chaque organisme, y compris les êtres humains, est une sorte de processeur qui effectue des transformations algorithmiques sur son environnement. Et ce processeur peut être reprogrammé ; les humains sont des "animaux piratables". Attendons encore un peu, et nous aurons entièrement défini les lois du flux de données de la vie et nous nous dépasserons en nous reprogrammant - bien mieux que la nature ne nous a programmés. | ||
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Cette grande union est de nature paradisiaque. L'âme est complètement absorbée par les formes et les couleurs de certains objets. Les plis du velours, le bleu profond du lapis-lazuli - Huxley a noté que l'on mourrait certainement de faim si la transe de la mescaline ne s'arrêtait pas. Le calme infini et la satisfaction insondable que l'âme éprouve dans sa contemplation sont tels que personne ne pourrait se détourner pour, par exemple, chercher de la nourriture. | Cette grande union est de nature paradisiaque. L'âme est complètement absorbée par les formes et les couleurs de certains objets. Les plis du velours, le bleu profond du lapis-lazuli - Huxley a noté que l'on mourrait certainement de faim si la transe de la mescaline ne s'arrêtait pas. Le calme infini et la satisfaction insondable que l'âme éprouve dans sa contemplation sont tels que personne ne pourrait se détourner pour, par exemple, chercher de la nourriture. | ||
Huxley a largement assimilé l'expérience de la mescaline à l'expérience mystique. Les grands mystiques comme | Huxley a largement assimilé l'expérience de la mescaline à l'expérience mystique. Les grands mystiques comme Maître Eckhart, Saint Jean de la Croix et Hildegard de Bingen ont décrit l'essence de l'expérience mystique de la même manière : on devient un avec le Tout, un avec l'Âme universelle. C'est de l'expérience de l'unité entre toutes les singularités qu'émergent avec évidence les grands principes religieux. Aime ton prochain comme toi-même" - tu ''es l'''autre ; ce que tu fais à l'autre, tu te le fais à toi-même. | ||
À la série d'expériences décrites par Huxley, nous pouvons en ajouter une autre : l'expérience de mort imminente. Le terme lui-même n'avait pas encore été inventé lorsque Huxley a écrit "Les portes de la perception", mais toutes les descriptions trouvées à ce sujet s'intègrent parfaitement dans la série d'expériences mentionnées par Huxley. | À la série d'expériences décrites par Huxley, nous pouvons en ajouter une autre : l'expérience de mort imminente. Le terme lui-même n'avait pas encore été inventé lorsque Huxley a écrit "Les portes de la perception", mais toutes les descriptions trouvées à ce sujet s'intègrent parfaitement dans la série d'expériences mentionnées par Huxley. | ||
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Dans l'expérience de la mescaline, l'expérience mystique et l'expérience de mort imminente, nous rencontrons un état dans lequel la connaissance est révélée directement par une forme de sentiment d'unité avec la réalité : « ''Au stade final de l'absence d'ego, il y a une "connaissance obscure" que le Tout est dans le Tout - que le Tout est en fait chacun. C'est aussi près, je crois, qu'un esprit fini puisse jamais arriver à 'percevoir tout ce qui se passe partout dans l'univers' ».'' (Huxley, Les portes de la perception). | Dans l'expérience de la mescaline, l'expérience mystique et l'expérience de mort imminente, nous rencontrons un état dans lequel la connaissance est révélée directement par une forme de sentiment d'unité avec la réalité : « ''Au stade final de l'absence d'ego, il y a une "connaissance obscure" que le Tout est dans le Tout - que le Tout est en fait chacun. C'est aussi près, je crois, qu'un esprit fini puisse jamais arriver à 'percevoir tout ce qui se passe partout dans l'univers' ».'' (Huxley, Les portes de la perception). | ||
Il convient également de mentionner les réflexions d'Einstein sur l'origine de la connaissance scientifique. Einstein a fait référence avec justesse à un "sentiment religieux cosmique" comme source ultime de la science. Dans une préface à un livre de Max Planck, il a déclaré que les gens croient à tort que les connaissances scientifiques découlent de la pensée rationnelle. Selon lui, elles découlent de l'intuition et de la capacité à "einfühlen", un terme allemand qui se traduit littéralement par "sentir" ou "empathie" : | Il convient également de mentionner les réflexions d'Einstein sur l'origine de la connaissance scientifique. Einstein a fait référence avec justesse à un "sentiment religieux cosmique" comme source ultime de la science. Dans une préface à un livre de Max Planck, il a déclaré que les gens croient à tort que les connaissances scientifiques découlent de la pensée rationnelle. Selon lui, elles découlent de l'intuition et de la capacité à "einfühlen", un terme allemand qui se traduit littéralement par "se sentir un" ou "empathie" : | ||
''« La tâche suprême du physicien est donc de découvrir les lois élémentaires les plus générales à partir desquelles l'image du monde peut être déduite logiquement. Mais il n'y a pas de voie logique pour découvrir ces lois élémentaires. Il n'y a que la voie de l'intuition, qui est aidée par un sentiment de l'ordre qui se cache derrière l'apparence, et cette intuition est développée par l'expérience »'' (Einstein dans "Où va la science ?", p. 12). | ''« La tâche suprême du physicien est donc de découvrir les lois élémentaires les plus générales à partir desquelles l'image du monde peut être déduite logiquement. Mais il n'y a pas de voie logique pour découvrir ces lois élémentaires. Il n'y a que la voie de l'intuition, qui est aidée par un sentiment de l'ordre qui se cache derrière l'apparence, et cette intuition est développée par l'expérience »'' (Einstein dans "Où va la science ?", p. 12). | ||
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Freud pensait que gouverner est l'une des professions impossibles, mais le grand homme d'État de l'IA changera cela. La société - cet amas de corps chaotique et agité - deviendra un ''"internet des corps"'' fonctionnant parfaitement grâce au triomphe de la raison. Finies les dépressions et les crises d'angoisse. Les hormones de l'anxiété et du stress, la sérotonine et l'ocytocine seront maintenues à un niveau parfait par des pompes hormonales situées dans les parois des veines. Fini aussi le crime - les schémas neuronaux criminels seront détectés et neutralisés à un stade précoce. Et si nécessaire, les articulations bioniques des êtres cyborg dont les valeurs sanguines sont difficiles à gérer pourront toujours être verrouillées à distance. | Freud pensait que gouverner est l'une des professions impossibles, mais le grand homme d'État de l'IA changera cela. La société - cet amas de corps chaotique et agité - deviendra un ''"internet des corps"'' fonctionnant parfaitement grâce au triomphe de la raison. Finies les dépressions et les crises d'angoisse. Les hormones de l'anxiété et du stress, la sérotonine et l'ocytocine seront maintenues à un niveau parfait par des pompes hormonales situées dans les parois des veines. Fini aussi le crime - les schémas neuronaux criminels seront détectés et neutralisés à un stade précoce. Et si nécessaire, les articulations bioniques des êtres cyborg dont les valeurs sanguines sont difficiles à gérer pourront toujours être verrouillées à distance. | ||
L'homme cyborg transcendera enfin son existence tourmentée par l'irrationalité. Il enregistrera parfaitement la réalité grâce à des caméras qui remplacent le cristallin toujours trouble de l'œil et à des microphones qui ne sont pas gênés par la surdité sélective et les acouphènes. Le flux de données | L'homme cyborg transcendera enfin son existence tourmentée par l'irrationalité. Il enregistrera parfaitement la réalité grâce à des caméras qui remplacent le cristallin toujours trouble de l'œil et à des microphones qui ne sont pas gênés par la surdité sélective et les acouphènes. Le flux de données hyper-précises ainsi fourni sera stocké dans sa mémoire augmentée d'un disque dur et communiqué de manière parfaitement rationnelle et impartiale aux autres humains cyborgs par l'intermédiaire d'une puce cérébrale intégrée. | ||
Ce paradis sera éternel. Si une partie de l'humain cyborg s'use, elle est simplement remplacée. L'esprit et l'âme de l'homme, sous-produits insignifiants du matériel biologique de son cerveau, sont stockés sur un disque dur et, si c'est vraiment nécessaire, téléchargés dans un nouveau corps de cyborg cultivé en laboratoire. Hannah Arendt l'a déjà souligné : le seul problème de ce paradis totalitaire est qu'il ressemble étrangement à l'enfer. | Ce paradis sera éternel. Si une partie de l'humain cyborg s'use, elle est simplement remplacée. L'esprit et l'âme de l'homme, sous-produits insignifiants du matériel biologique de son cerveau, sont stockés sur un disque dur et, si c'est vraiment nécessaire, téléchargés dans un nouveau corps de cyborg cultivé en laboratoire. Hannah Arendt l'a déjà souligné : le seul problème de ce paradis totalitaire est qu'il ressemble étrangement à l'enfer. | ||
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L'expérience paradisiaque qu'explore Huxley, en revanche, s'impose à l'humanité lorsqu'elle abandonne sa pensée rationnelle, transcende son ego et renonce à tout désir de contrôler et de manipuler la "réalité". La personne fusionne avec l'Être, à tel point que toute tentative de connaissance rationnelle ne peut que nuire à la conscience qu'elle en a. La connaissance que l'humanité reçoit dans ce paradis n'est pas une connaissance rationnelle ; c'est une connaissance empathique qui découle essentiellement d'une expérience directe de l'Être des choses. | L'expérience paradisiaque qu'explore Huxley, en revanche, s'impose à l'humanité lorsqu'elle abandonne sa pensée rationnelle, transcende son ego et renonce à tout désir de contrôler et de manipuler la "réalité". La personne fusionne avec l'Être, à tel point que toute tentative de connaissance rationnelle ne peut que nuire à la conscience qu'elle en a. La connaissance que l'humanité reçoit dans ce paradis n'est pas une connaissance rationnelle ; c'est une connaissance empathique qui découle essentiellement d'une expérience directe de l'Être des choses. | ||
Ce qui est vécu là est le véritable fondement des choses que de grands peintres comme Vermeer et Braque ont capturé sur la toile ; c'est l'essence mystique à laquelle Blake a consacré son œuvre. « ''Des'' ''choses sans prétention, satisfaites d'être simplement elles-mêmes, suffisantes dans leur Suprématie, ne jouant aucun rôle, n'essayant pas, de manière insensée, de faire cavalier seul, isolées du Dharma | Ce qui est vécu là est le véritable fondement des choses que de grands peintres comme Vermeer et Braque ont capturé sur la toile ; c'est l'essence mystique à laquelle Blake a consacré son œuvre. « ''Des'' ''choses sans prétention, satisfaites d'être simplement elles-mêmes, suffisantes dans leur Suprématie, ne jouant aucun rôle, n'essayant pas, de manière insensée, de faire cavalier seul, isolées du corps du Dharma, dans un défi luciférien à la grâce de Dieu »'' (Huxley, The Doors of Perception, p. ). | ||
Crucial dans le contexte de cette série d'articles sur l'acte de parler : le langage a un statut complètement différent dans le paradis d'Huxley et dans le paradis totalitaire. Dans le paradis totalitaire, le langage n'est qu'un échange d'informations. Dans les expériences décrites par Huxley, c'est exactement le contraire. Il le décrit avec force : dans l'expérience de la mescaline et dans l'expérience mystique, on ne se soucie pas de la signification des mots et des symboles. | Crucial dans le contexte de cette série d'articles sur l'acte de parler : le langage a un statut complètement différent dans le paradis d'Huxley et dans le paradis totalitaire. Dans le paradis totalitaire, le langage n'est qu'un échange d'informations. Dans les expériences décrites par Huxley, c'est exactement le contraire. Il le décrit avec force : dans l'expérience de la mescaline et dans l'expérience mystique, on ne se soucie pas de la signification des mots et des symboles. | ||
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Dans l'état sans Ego, le langage n'est donc pas tant un système d'échange d'informations, il parle plutôt par sa dimension sonore et musicale, par ses caractéristiques formelles. Dans cet état, le langage est dépouillé de tout sens ; il jaillit directement de ce qui vit dans le corps animé ; il témoigne par son rythme, sa sonorité, ses rebonds, ses bégaiements de l'Âme qui sommeille dans les tensions des fibres du corps animé du locuteur. L'enfant qui écoute la mère et reçoit ses sons sent la mère dans son corps, attirant son âme vers l'intérieur à travers les sons. Et l'enfant qui parle lui-même transporte sa propre âme vers l'autre à travers les sons qu'il émet. Cette dimension pure et émotionnelle du langage disparaît en grande partie dès que les mots commencent à être porteurs de sens et à se référer à des objets. | Dans l'état sans Ego, le langage n'est donc pas tant un système d'échange d'informations, il parle plutôt par sa dimension sonore et musicale, par ses caractéristiques formelles. Dans cet état, le langage est dépouillé de tout sens ; il jaillit directement de ce qui vit dans le corps animé ; il témoigne par son rythme, sa sonorité, ses rebonds, ses bégaiements de l'Âme qui sommeille dans les tensions des fibres du corps animé du locuteur. L'enfant qui écoute la mère et reçoit ses sons sent la mère dans son corps, attirant son âme vers l'intérieur à travers les sons. Et l'enfant qui parle lui-même transporte sa propre âme vers l'autre à travers les sons qu'il émet. Cette dimension pure et émotionnelle du langage disparaît en grande partie dès que les mots commencent à être porteurs de sens et à se référer à des objets. | ||
De cette exploration, nous tirons une caractéristique essentielle du parler sincère : dans un sens, le parler sincère nous ramène au cœur de notre être, avant qu'il ne soit recouvert par des conventions sociales et des significations. L'expression sincère se fait principalement à partir du corps animé et sensible, et beaucoup moins à partir de la tête ; il s'agit d'une expression émotionnelle plutôt que d'une expression rationnelle. Celui qui parle avant de penser est plus sincère que celui qui s'abandonne d'abord trop aux considérations sur ce qu'il est juste de dire, sur ce qui doit, | De cette exploration, nous tirons une caractéristique essentielle du parler sincère : dans un sens, le parler sincère nous ramène au cœur de notre être, avant qu'il ne soit recouvert par des conventions sociales et des significations. L'expression sincère se fait principalement à partir du corps animé et sensible, et beaucoup moins à partir de la tête ; il s'agit d'une expression émotionnelle plutôt que d'une expression rationnelle. Celui qui parle avant de penser est plus sincère que celui qui s'abandonne d'abord trop aux considérations sur ce qu'il est juste de dire, sur ce qui doit, pourrait et peut être dit. | ||
Pratiquer l'art du parler sincère se résume en grande partie à ceci : se connecter à ce qui sommeille et vibre dans les fibres de votre corps animé, le laisser former des mots et prononcer ces mots avant qu'ils ne soient déformés par les pensées et censurés par les conventions sociales. Vous ne pouvez certainement pas suivre cette règle partout et toujours, et elle ne suffit certainement pas à définir la "vérité", mais elle en touche un aspect essentiel. | Pratiquer l'art du parler sincère se résume en grande partie à ceci : se connecter à ce qui sommeille et vibre dans les fibres de votre corps animé, le laisser former des mots et prononcer ces mots avant qu'ils ne soient déformés par les pensées et censurés par les conventions sociales. Vous ne pouvez certainement pas suivre cette règle partout et toujours, et elle ne suffit certainement pas à définir la "vérité", mais elle en touche un aspect essentiel. |
Version actuelle datée du 23 juillet 2024 à 16:43
Source : https://words.mattiasdesmet.org/p/the-paradise-of-the-mothers-voice
Le paradis de la voix maternelle
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The act of speaking is crucial in times of totalitarianism. Totalitarianism is associated with a rationalistic way of speaking that, in its most typical form, appears as indoctrination and propaganda. And the antidote to totalitarianism is also a certain form of speaking, a form of speaking that performs an act, the act of piercing the Veil of Appearances.
The search for this form of speaking is essentially a search for the phenomenon of ‘Truth.’ What does it mean for a human being to speak the truth? This question is timeless and essentially unanswerable. And yet we must never stop asking it. Contrary to what postmodernists believed, truth does indeed exist. Moreover, it is our only guiding light in the dark land of totalitarianism. First and foremost, we are going to listen to a newborn child, a child that has not yet been grasped by the world of illusion and the Ego. A child in that period is a being that – just like the mystic, the mescaline user, the seminal scientist, and the schizophrenic – exists in the land of Truth and the Real. That land was declared forbidden territory by the rationalist Enlightenment tradition; it is precisely that land we need to explore to understand the ailments and crises of our Enlightenment culture. **** A child already floats on the waves of the mother's voice in the womb. It registers the tempo, rhythm, and other sound properties somewhere in the fabric of its flesh. Immediately after birth, it will recognize the mother's voice from all other voices. Place headphones on the child's head during its first breaths; let it hear the mother's voice while sucking on the left breast and someone else's voice while sucking on the right breast; after a short time, it will suck much more on the left breast than on the right. And it can already somewhat reproduce the mother's voice. Its earliest cries and screams already show melodical similarities to the mother's voice. There is no other conclusion possible: it has learned the mother tongue in the womb. After birth, the learning process continues. The child imitates the mother's facial expressions and mimics her sounds. While lying in its cradle, it sees a procession of maternal symbols at its zenith – facial expressions, body postures, and sounds. In its desire for union with the mother, it participates in that primordial symbolism. It observes her facial expressions with intense attention and makes rudimentary attempts to imitate them, it mimicks the mother's sounds in its earliest cries and cooing, and it experiences the deepest pleasure when it notices the mother responding by imitating the child in turn. As the child creatively adopts the mother's language of forms and sounds, it simultaneously adopts something else: her state of Being. The child imitating the melancholy sound of the mother's voice feels her sadness; the child imitating the mother's smiling face feels her joy. In this way, it’s being merges with the being of the mother. Language thus becomes a medium for union with the maternal being. Literally. Through the imitation of forms and sounds, the child feels one with her. This must be interpreted radically. The young child observing another child falling becomes that child. The observing child will mimic the painful grimaces of the fallen child and thereby feel its pain and often start crying itself. Adults also still possess this ability. Watch someone hit their finger with a hammer, and you will often spontaneously pull back your hand and feel your face contort into a grimace. However, in adults, this empathic response is much more limited than in a young child. The reason is that adults, unlike children, are limited in their union with the Other by a veil of illusion that envelops them and separates them from the Other. This veil of illusion is called the Ego – more on that in a subsequent essay. The young child has no Ego yet and, for instance, cannot yet assign meaning to words, but this does not mean that, in terms of language, it only negatively differs from adults, as a being that merely lacks something. In some respects, a child can do more than an adult. It has a learning and absorbing ability that an adult can only dream of. For example, in the earliest months of its existence, a child has an astounding ability to distinguish sounds from each other. In two weeks, it can learn to distinguish all the phonemes of all the languages in the world from each other. In comparison, an adult could not achieve this in years. And the most interesting part is this: this rapid learning process only occurs when the child listens to a physically present Other. It will not occur when the child listens to audio or video recordings. Under those circumstances, the linguistic sounds do not seem to really interest the child. The reason why a child directs its attention and interest so much to language is that it sees a gateway to the body of the Other in the sounds. It wants to connect to that body. Imitating its sounds is a way to achieve that. In a sense, the child uses language for the same purpose as football supporters when they sing together: to experience the pleasure of resonant connectedness. This shows us (again): language is originally a medium used to connect animated bodies with each other. Here we see a radical difference from the transhumanist view of language. Transhumanists see language merely as a means to convey information in a rational way. ‘Humans became the most powerful animals on earth because they could exchange information more efficiently through language’ (see Harari). And through merging with technology, humans can optimize that ability. With a Neuralink in the brain, humans will communicate perfectly. No more eternally incorrect human language, no more endless sources of half-understanding and complete misunderstandings. No more stuttering and stammering of people with limited verbal capacities, no more gossiping of fishwives and jealous neighbors. And no more poetry and endless chatter of lovers. That pathetic happiness will no longer be necessary. Implanted hormone pumps will be able to manipulate the state of the blood 24/7 – Homo Deus will spend his life in a state of constant, biochemically induced happiness. Want to experience the intoxication of love, the ecstasy of gazing at vast mountains, the tenderness of a young mother nursing her child – it is merely a matter of pressing the right button, and the right pump will be activated. Transhumanism, in its ideological fanaticism, overlooks something. It even overlooks the essence of language. Information exchange is not the primordial function of language. In the beginning, language carries no meaning at all and refers to nothing. In the beginning, language is the bearer of the Soul. It is pleasure and love. It is primarily a sonic phenomenon that creates connection through resonance. In the mother's voice, the music of paradise sounds. The door to paradise opens by singing along with the mother's song. And the mistake of transhumanism goes beyond that. Transhumanism sees all life, every form of exchange of an 'organism' with its environment actually as a form of ‘information exchange’ or 'data exchange.' The phenomenon of 'life' is seen as an algorithmic process in biological hardware. An organism that eats actually exchanges information or data with its environment. The organism transforms the food according to a certain algorithm. Harari coined the term ‘dataism’ for this ideology. Every organism, including human beings, is a kind of processor that performs algorithmic transformations on its environment. And that processor can be reprogrammed; humans are 'hackable animals.' Just wait a little longer, and we will have fully mapped out the laws of the data stream of life and will surpass ourselves by reprogramming ourselves – much better than nature programmed us. The experiential world of the young child shows us a completely different universe, a universe that is not an electronic crackling of data streams between processors, but a universe that is a gently undulating sea of love and connectedness between singularities that are one with the All. And the destiny of humans is not to become a sort of hyper-efficient, information-exchanging cyborg, but a being that resonates with the mystical form language nature, a being that relates more or less harmoniously to the All from which it originated. **** Back to the child who can learn to distinguish phonemes from one another at an astounding rate. Where does this spectacular learning ability of a young child come from? Simply put: the child learns to distinguish sounds so quickly because it does not yet have an Ego. The Ego is only born between six and nine months, at a very precise moment that we will discuss when exploring the world of Appearances. It is this Ego-less state that allows the child to subtly and directly let the strings of its body vibrate with the sounds made by the Other. An adult can hardly imagine this Ego-less state of the child, except in a few specific states. One of these states was masterfully described by Aldous Huxley in his book 'The Doors of Perception' (after which the sixties group The Doors was named). Mescaline is a substance derived from the root of the peyote cactus. The Indians of Mexico and the Southwestern United States have used the root since time immemorial and revered it as a deity because it led them to a state in which they recognized both their origin and their destination. Those who use the root experience a state of deep union with the soul of all objects around them. One no longer looks at light; one becomes a light particle. One no longer observes other people; one becomes the other person. And so on. This great Union is paradisiacal in nature. The Soul is completely absorbed by the shapes and colors of certain objects. The folds in velvet, the deep blue of lapis lazuli – Huxley noted that one would certainly die of hunger if the mescaline trance did not stop. The endlessly wide calm and unfathomably deep satisfaction that the Soul experiences in its contemplation are such that no one would be able to turn away to, say, look for food. Huxley broadly equated the mescaline experience with the mystical experience. The great mystics like Meister Eckhart, St. John of the Cross, and Hildegard von Bingen described the essence of the mystical experience in the same way: one becomes one with the All, one with the universal Soul. It is from the experience of Unity among all singularities that the great religious principles self-evidently emerge. 'Love your neighbor as yourself' – you are the other; what you do to another, you do to yourself. To the series of experiences described by Huxley, we can add another: the near-death experience. The term itself had not yet been coined when Huxley wrote his 'The Doors of Perception', but every description found of it fits seamlessly into the series of experiences Huxley mentions. Whether one wants to consider this experience purely materialistically as a kind of biochemical convulsion of the brain or as a mystical experience of a Real state of being is irrelevant here: here too one finds the paradisiacal experience of unity with the All; here too one finds the experience of unfathomable beauty of colors and sounds; here too the Soul is absorbed by the things it perceives, and so on. Just like the young child, a person in a near-death experience has remarkable knowledge that transcends any form of rational insight. An engineer friend who had a near-death experience after an accident described to me that he saw the world below him and all the algorithmic laws of nature became crystal clear to him. He 'saw' them with the greatest obviousness and could only marvel that he had not always seen them. When he descended back into his pain-scorched body and the mind was sucked back into the force field of the Ego, he had to admit that, as before, the eyes of his mind were too cloudy to discern the crystalline structure of reality. In the mescaline experience, the mystical experience, and the near-death experience, we encounter a state in which knowledge is revealed directly through a form of feeling one with reality: “In the final stage of egolessness there is an 'obscure knowledge' that All is in all—that All is actually each. This is as near, I take it, as a finite mind can ever come to 'perceiving everything that is happening everywhere in the universe'.” (Huxley, The Doors of Perception). It is also relevant to mention Einstein's reflections on the origin of scientific knowledge. Einstein aptly referred to a 'cosmic religious feeling' as the ultimate source of science. In a preface to a book by Max Planck, he stated that people mistakenly believe that scientific insights flow from rational thinking. According to him, they flow from intuition and an ability to 'einfühlen', a German term that literally translates to 'feeling one' or 'empathy': 'Thus the supreme task of the physicist is the discovery of the most general elementary laws from which the world picture can be deduced logically. But there is no logical way to the discovery of these elementary laws. There is only the way of intuition, which is helped by a feeling for the order lying behind the appearance, and this einfuhlung is developed by experience' (Einstein in 'Where is science going?', p. 12). **** In 'The Doors of Perception', Huxley thus explores the counterpart of the totalitarian paradise he described in his iconic novel 'Brave New World'. Totalitarianism always fanatically believes it will create a paradise for humanity. Hitler believed so much in the paradise of his racially pure Aryan society that he deemed it justifiable to make millions of victims; Stalin thought millions had to be sacrificed to realize the 'rule of the proletariat'. The hallmark of the totalitarian paradise is always that humanity believes it can realize it itself, particularly through the ruthless application of a rationalist ideology. In the case of Hitler, it was a eugenic theory; in the case of Stalin, it was Marx's historical materialism. Today, Harari presents us with this totalitarian paradise. This time, it is the transhumanist ideology that provides the plan for it. Humanity will enter it by merging with technology. And it will be centrally coordinated – even the cyborg needs a state. Someone must coordinate and direct. Preferably not a human. A central computer, constantly getting smarter through Artificial Intelligence, will monitor and optimize the psychological and physical state of the citizen via nanoparticles in the blood. Freud thought that governing is one of the impossible professions, but the Great AI statesman will change that. The society – that writhing, chaotic heap of bodies – will become a flawlessly functioning 'internet of bodies' through the triumph of reason. No more depression and anxiety attacks. Anxiety and stress hormones, serotonin and oxytocin will be kept at the perfect level by hormone pumps in the vein walls. Also, no more crime – criminal neural patterns will be detected and neutralized at an early stage. And if necessary, the bionic joints of cyborg beings with hard-to-manage blood values can still be remotely locked. The cyborg human will finally transcend its existence tormented by irrationality. It will flawlessly register reality through cameras that replace the always cloudy lens of the eye and microphones that are not bothered by selective deafness and tinnitus. The hyper-accurate data stream thus provided will be stored in its hard-drive-augmented memory and communicated perfectly rationally and without bias to other cyborg humans via an embedded brain chip. This paradise will be eternal. If a part of the cyborg human wears out, it is simply replaced. And the human mind and soul, meaningless by-products of the biological hardware of its brain, are stored on a hard drive and, if really necessary, uploaded into a new, laboratory-grown cyborg body. Hannah Arendt already pointed out: the only problem with that totalitarian paradise is that it looks so suspiciously like hell. It is striking: the paradise Huxley explores in The Doors of Perception is in most respects precisely opposed to the totalitarian paradise. The totalitarian paradise is the result of rational thinking. It arises when rational understanding is complete, and the ability to control and manipulate reality is maximal. The paradisiacal experience Huxley explores, on the other hand, befalls humanity when it leaves its rational thinking behind, transcends its Ego, and abandons any urge to control and manipulate 'reality'. The person merges with Being, to the extent that any attempt to know rationally can only detract from the awareness of it. The knowledge that humanity receives in this paradise is not rational knowledge; it is an empathetic knowing that essentially arises from a direct experience of the Being of things. What is experienced thereis the Real ground of things that great painters like Vermeer and Braque captured on canvas; it is the mystical essence to which Blake devoted his oeuvre. 'Things without pretensions, satisfied to be merely themselves, sufficient in their Suchness, not acting a part, not trying, insanely, to go it alone, in isolation from the Dharma-Body, in Luciferian defiance of the grace of God' (Huxley, The Doors of Perception, p. ). Crucial in the context of this series of articles on the act of speaking: language has a completely different status in Huxley's paradise than in the totalitarian paradise. In the totalitarian paradise, language is purely an exchange of information. In the experiences described by Huxley, the exact opposite applies. He describes it vividly: in the mescaline experience and in the mystical experience, one does not care about the meaning of words and symbols. That does not mean that language in that state becomes indifferent. On the contrary. Another dimension of language comes to the forefront. Words come in directly, they do not need to first go through a mentally laborious process to gain meaning and be linked to perceptions: "To be shaken out of the ruts of ordinary perception, to be shown for a few timeless hours, the outer and inner world, not as they appear to an animal obsessed with survival or to a human being obsessed with words and notions, but as they are apprehended directly and unconditionally by Mind at Large—this is an experience of inestimable value to everyone and especially to the intellectual.” (Huxley, The Doors of Perception). In a certain sense, consider the way poetry speaks: the less you think and the more you let the poem come in directly, the more intense the poetic experience. Just as a young child can learn to distinguish phonemes extraordinarily quickly, an adult under the influence of mescaline becomes extraordinarily sensitive to minute differences in (colors and) sounds: “All colors are intensified to a pitch far beyond anything seen in the normal state, and at the same time the mind’s capacity for recognizing fine distinctions of tone and hue is notably heightened.” (Huxley, The Doors of Perception). In the Ego-less state, language is thus not so much a system for exchanging information; it speaks rather through its sound-musical dimension, through its formal characteristics. In this state, language is stripped of all meaning; it wells up directly from what lives in the animated body; it testifies in its rhythm, sound, bouncing, and stuttering to the Soul, as it slumbers in the tensions of the fibers of the speaker's animated body. The child listening to the mother and receiving her sounds feels the mother in its body, pulling her Soul inward through the sounds. And the child who speaks itself transports its own Soul to the Other through the sounds it makes. This pure, emotional dimension of language largely disappears as soon as words begin to carry meaning and refer to objects. From this exploration, we derive a core characteristic of sincere speaking: in a sense, sincere speaking takes us back to the core of our Being, before it was covered by social conventions and meaning. Sincere speaking is done primarily from the feeling, animated body; much less from the head; it is an emotional speaking rather than a thinking-rational speaking. One who speaks before thinking is more sincere than one who first surrenders too much to considerations about what is right to say, about what must, may, and can be said. Practicing the art of Sincere Speaking largely comes down to this: connect with what slumbers and vibrates in the fibers of your animated body, let it form words and speak those words before they are distorted by thoughts and censored by social conventions. You certainly cannot follow this rule everywhere and always, and it is certainly not enough to define 'truth,' but it does touch on a core aspect of it. It is this kind of speaking that penetrates through the Veil of Appearance and literally perforates holes in the Ego through which resonating connections between animated bodies are established; it is this kind of speaking that realizes a true human bond; it is this kind of speaking that increases the intuitive sense of the human being. |
L'acte de parole est crucial en période de totalitarisme. Le totalitarisme est associé à un mode de parole rationaliste qui, dans sa forme la plus typique, apparaît comme un endoctrinement et une propagande. Et l'antidote au totalitarisme est aussi une certaine forme de parole, une forme de parole qui accomplit un acte, l'acte de percer le voile des apparences.
La recherche de cette forme de parole est essentiellement une recherche du phénomène de la "Vérité". Qu'est-ce que cela signifie pour un être humain de dire la vérité ? Cette question est intemporelle et essentiellement sans réponse. Et pourtant, nous ne devons jamais cesser de la poser. Contrairement à ce que pensaient les postmodernes, la vérité existe bel et bien. Elle est d'ailleurs la seule lumière qui nous guide dans les ténèbres du totalitarisme. Avant tout, nous allons écouter un nouveau-né, un enfant qui n'a pas encore été saisi par le monde de l'illusion et de l'Ego. L'enfant de cette époque est un être qui, tout comme le mystique, le consommateur de mescaline, le scientifique précurseur et le schizophrène, existe dans le pays de la Vérité et du Réel. Cette terre a été déclarée territoire interdit par la tradition rationaliste des Lumières ; c'est précisément cette terre que nous devons explorer pour comprendre les maux et les crises de notre culture des Lumières. **** L'enfant flotte déjà sur les vagues de la voix maternelle dans le ventre de sa mère. Il enregistre le tempo, le rythme et d'autres propriétés sonores quelque part dans le tissu de sa chair. Immédiatement après la naissance, il reconnaîtra la voix de sa mère parmi toutes les autres voix. Placez un casque sur la tête de l'enfant pendant ses premières respirations ; faites-lui entendre la voix de la mère en tétant le sein gauche et la voix de quelqu'un d'autre en tétant le sein droit ; après peu de temps, il tétera beaucoup plus le sein gauche que le sein droit. Et il peut déjà reproduire quelque peu la voix de sa mère. Ses premiers cris et pleurs présentent déjà des similitudes mélodiques avec la voix de la mère. Il n'y a pas d'autre conclusion possible : il a appris la langue maternelle dans le ventre de sa mère. Après la naissance, le processus d'apprentissage se poursuit. L'enfant imite les expressions faciales et les sons de sa mère. Couché dans son berceau, il assiste à une procession de symboles maternels à son apogée - expressions faciales, postures corporelles et sons. Dans son désir d'union avec la mère, il participe à ce symbolisme primordial. Il observe les expressions faciales de la mère avec une attention intense et tente de les imiter de façon rudimentaire, il imite les sons de la mère dans ses premiers cris et roucoulements, et il éprouve le plus grand plaisir lorsqu'il constate que la mère répond en imitant l'enfant à son tour. En adoptant de manière créative le langage des formes et des sons de la mère, l'enfant adopte en même temps quelque chose d'autre : son état d'être. L'enfant qui imite le son mélancolique de la voix de sa mère ressent sa tristesse ; l'enfant qui imite le visage souriant de sa mère ressent sa joie. Ainsi, son être se confond avec l'être de la mère. Le langage devient ainsi un moyen d'union avec l'être maternel. Littéralement. Par l'imitation des formes et des sons, l'enfant se sent un avec elle. Ceci doit être interprété de manière radicale. Le jeune enfant qui observe la chute d'un autre enfant devient cet enfant. L'enfant observateur imitera les grimaces douloureuses de l'enfant tombé et ressentira ainsi sa douleur et se mettra souvent à pleurer lui-même. Les adultes possèdent encore cette capacité. Regardez quelqu'un se frapper le doigt avec un marteau, et vous retirerez spontanément votre main et sentirez votre visage se contorsionner en une grimace. Cependant, chez les adultes, cette réaction empathique est beaucoup plus limitée que chez un jeune enfant. La raison en est que l'adulte, contrairement à l'enfant, est limité dans son union avec l'Autre par un voile d'illusion qui l'enveloppe et le sépare de l'Autre. Ce voile d'illusion s'appelle l'Ego - nous y reviendrons dans un prochain essai. Le jeune enfant n'a pas encore d'ego et, par exemple, ne peut pas encore donner un sens aux mots, mais cela ne signifie pas qu'en termes de langage, il ne se différencie que négativement de l'adulte, en tant qu'être qui manque simplement de quelque chose. À certains égards, un enfant peut faire plus qu'un adulte. Il a une capacité d'apprentissage et d'absorption dont l'adulte ne peut que rêver. Par exemple, dans les premiers mois de son existence, un enfant a une capacité étonnante à distinguer les sons les uns des autres. En deux semaines, il peut apprendre à distinguer tous les phonèmes de toutes les langues du monde. En comparaison, un adulte n'y parviendrait pas en plusieurs années. Le plus intéressant est que ce processus d'apprentissage rapide ne se produit que lorsque l'enfant écoute un Autre physiquement présent. Il ne se produit pas lorsque l'enfant écoute des enregistrements audio ou vidéo. Dans ces circonstances, les sons linguistiques ne semblent pas vraiment intéresser l'enfant. Si l'enfant porte autant d'attention et d'intérêt au langage, c'est parce qu'il voit dans les sons une porte d'accès au corps de l'Autre. Il veut se connecter à ce corps. Imiter ses sons est un moyen d'y parvenir. En un sens, l'enfant utilise le langage dans le même but que les supporters de football lorsqu'ils chantent ensemble : pour éprouver le plaisir d'une connexion résonnante. Cela nous montre (une fois de plus) que le langage est à l'origine un moyen utilisé pour relier entre eux des corps animés. Nous constatons ici une différence radicale avec la vision transhumaniste du langage. Les transhumanistes considèrent le langage comme un simple moyen de transmettre des informations de manière rationnelle. « Les humains sont devenus les animaux les plus puissants de la planète parce qu'ils pouvaient échanger des informations plus efficacement grâce au langage » (voir Harari). En fusionnant avec la technologie, les humains peuvent optimiser cette capacité. Avec un Neuralink dans le cerveau, les humains communiqueront parfaitement. Fini le langage humain éternellement incorrect, les sources infinies d'incompréhension et de malentendus. Fini le bégaiement des personnes aux capacités verbales limitées, fini les commérages des poissonnières et des voisins jaloux. Fini la poésie et les bavardages amoureux. Ce bonheur pathétique ne sera plus nécessaire. Des pompes à hormones implantées pourront manipuler l'état du sang 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 - l'Homo Deus passera sa vie dans un état de bonheur constant, biochimiquement induit. Vous voulez ressentir l'ivresse de l'amour, l'extase de contempler de vastes montagnes, la tendresse d'une jeune mère allaitant son enfant ? Il suffit d'appuyer sur le bon bouton, et la bonne pompe sera activée. Le transhumanisme, dans son fanatisme idéologique, oublie quelque chose. Il oublie même l'essence du langage. L'échange d'informations n'est pas la fonction primordiale du langage. Au commencement, le langage n'est porteur d'aucun sens et ne renvoie à rien. Au début, la langue est porteuse de l'âme. Elle est plaisir et amour. C'est avant tout un phénomène sonore qui crée un lien par résonance. Dans la voix de la mère retentit la musique du paradis. La porte du paradis s'ouvre en chantant avec la chanson de la mère. Et l'erreur du transhumanisme va plus loin. Le transhumanisme considère toute vie, toute forme d'échange d'un "organisme" avec son environnement comme une forme d'"échange d'informations" ou d'"échange de données". Le phénomène de la "vie" est considéré comme un processus algorithmique dans le matériel biologique. Un organisme qui en fait se nourrit d’échanges d’informations ou de données avec son environnement. L'organisme transforme la nourriture selon un certain algorithme. Harari a inventé le terme "dataisme" pour désigner cette idéologie. Chaque organisme, y compris les êtres humains, est une sorte de processeur qui effectue des transformations algorithmiques sur son environnement. Et ce processeur peut être reprogrammé ; les humains sont des "animaux piratables". Attendons encore un peu, et nous aurons entièrement défini les lois du flux de données de la vie et nous nous dépasserons en nous reprogrammant - bien mieux que la nature ne nous a programmés. Le monde expérimental du jeune enfant nous montre un univers complètement différent, un univers qui n'est pas un crépitement électronique de flux de données entre processeurs, mais un univers qui est une mer doucement ondulante d'amour et de connexion entre des singularités qui ne font qu'un avec le Tout. Et le destin des humains n'est pas de devenir une sorte de cyborg hyper efficace, échangeant des informations, mais un être qui résonne avec la forme mystique du langage de la nature, un être qui se rattache plus ou moins harmonieusement au Tout dont il est issu. **** Revenons à l'enfant qui peut apprendre à distinguer les phonèmes les uns des autres à une vitesse stupéfiante. D'où vient cette capacité d'apprentissage spectaculaire du jeune enfant ? C'est simple : l'enfant apprend à distinguer les sons si rapidement parce qu'il n'a pas encore d'ego. L'Ego ne naît qu'entre six et neuf mois, à un moment très précis que nous aborderons lors de l'exploration du monde des Apparences. C'est cet état de non Ego qui permet à l'enfant de laisser subtilement et directement les cordes de son corps vibrer avec les sons émis par l'Autre. L'adulte peut difficilement imaginer cet état sans Ego de l'enfant, sauf dans quelques états spécifiques. L'un de ces états a été magistralement décrit par Aldous Huxley dans son livre "The Doors of Perception" (qui a donné son nom au groupe The Doors dans les années soixante). La mescaline est une substance dérivée de la racine du cactus peyotl. Les Indiens du Mexique et du sud-ouest des États-Unis utilisent cette racine depuis des temps immémoriaux et la vénèrent comme une divinité parce qu'elle les conduit à un état dans lequel ils reconnaissent à la fois leur origine et leur destination. Ceux qui utilisent la racine connaissent un état d'union profonde avec l'âme de tous les objets qui les entourent. On ne regarde plus la lumière, on devient une particule de lumière. On n'observe plus les autres personnes, on devient l'autre personne. Et ainsi de suite. Cette grande union est de nature paradisiaque. L'âme est complètement absorbée par les formes et les couleurs de certains objets. Les plis du velours, le bleu profond du lapis-lazuli - Huxley a noté que l'on mourrait certainement de faim si la transe de la mescaline ne s'arrêtait pas. Le calme infini et la satisfaction insondable que l'âme éprouve dans sa contemplation sont tels que personne ne pourrait se détourner pour, par exemple, chercher de la nourriture. Huxley a largement assimilé l'expérience de la mescaline à l'expérience mystique. Les grands mystiques comme Maître Eckhart, Saint Jean de la Croix et Hildegard de Bingen ont décrit l'essence de l'expérience mystique de la même manière : on devient un avec le Tout, un avec l'Âme universelle. C'est de l'expérience de l'unité entre toutes les singularités qu'émergent avec évidence les grands principes religieux. Aime ton prochain comme toi-même" - tu es l'autre ; ce que tu fais à l'autre, tu te le fais à toi-même. À la série d'expériences décrites par Huxley, nous pouvons en ajouter une autre : l'expérience de mort imminente. Le terme lui-même n'avait pas encore été inventé lorsque Huxley a écrit "Les portes de la perception", mais toutes les descriptions trouvées à ce sujet s'intègrent parfaitement dans la série d'expériences mentionnées par Huxley. Que l'on veuille considérer cette expérience de manière purement matérialiste comme une sorte de convulsion biochimique du cerveau ou comme une expérience mystique d'un état réel de l'être n'a pas d'importance ici : ici aussi on trouve l'expérience paradisiaque de l'unité avec le Tout ; ici aussi on trouve l'expérience de la beauté insondable des couleurs et des sons ; ici aussi l'âme est absorbée par les choses qu'elle perçoit, et ainsi de suite. Tout comme le jeune enfant, la personne qui vit une expérience de mort imminente a une connaissance remarquable qui transcende toute forme de compréhension rationnelle. Un ami ingénieur qui a vécu une expérience de mort imminente après un accident m'a raconté qu'il voyait le monde en dessous de lui et que toutes les lois algorithmiques de la nature lui apparaissaient clairement. Il les "voyait" avec la plus grande évidence et ne pouvait que s'étonner de ne pas les avoir toujours vues. Lorsqu'il est redescendu dans son corps rongé par la douleur et que son esprit a été aspiré à nouveau dans le champ de force de l'Ego, il a dû admettre que, comme auparavant, les yeux de son esprit étaient trop troubles pour discerner la structure cristalline de la réalité. Dans l'expérience de la mescaline, l'expérience mystique et l'expérience de mort imminente, nous rencontrons un état dans lequel la connaissance est révélée directement par une forme de sentiment d'unité avec la réalité : « Au stade final de l'absence d'ego, il y a une "connaissance obscure" que le Tout est dans le Tout - que le Tout est en fait chacun. C'est aussi près, je crois, qu'un esprit fini puisse jamais arriver à 'percevoir tout ce qui se passe partout dans l'univers' ». (Huxley, Les portes de la perception). Il convient également de mentionner les réflexions d'Einstein sur l'origine de la connaissance scientifique. Einstein a fait référence avec justesse à un "sentiment religieux cosmique" comme source ultime de la science. Dans une préface à un livre de Max Planck, il a déclaré que les gens croient à tort que les connaissances scientifiques découlent de la pensée rationnelle. Selon lui, elles découlent de l'intuition et de la capacité à "einfühlen", un terme allemand qui se traduit littéralement par "se sentir un" ou "empathie" : « La tâche suprême du physicien est donc de découvrir les lois élémentaires les plus générales à partir desquelles l'image du monde peut être déduite logiquement. Mais il n'y a pas de voie logique pour découvrir ces lois élémentaires. Il n'y a que la voie de l'intuition, qui est aidée par un sentiment de l'ordre qui se cache derrière l'apparence, et cette intuition est développée par l'expérience » (Einstein dans "Où va la science ?", p. 12). **** Dans "Les portes de la perception", Huxley explore ainsi la contrepartie du paradis totalitaire qu'il a décrit dans son roman emblématique "Le meilleur des mondes". Le totalitarisme croit toujours fanatiquement qu'il va créer un paradis pour l'humanité. Hitler croyait tellement au paradis de sa société aryenne racialement pure qu'il estimait justifié de faire des millions de victimes ; Staline pensait que des millions devaient être sacrifiés pour réaliser le "règne du prolétariat". La caractéristique du paradis totalitaire est toujours que l'humanité croit pouvoir le réaliser elle-même, en particulier par l'application impitoyable d'une idéologie rationaliste. Dans le cas d'Hitler, il s'agissait d'une théorie eugénique ; dans le cas de Staline, il s'agissait du matérialisme historique de Marx. Aujourd'hui, Harari nous présente ce paradis totalitaire. Cette fois, c'est l'idéologie transhumaniste qui en fournit le plan. L'humanité y entrera en fusionnant avec la technologie. Et il sera coordonné de manière centralisée - même le cyborg a besoin d'un État. Quelqu'un doit coordonner et diriger. De préférence pas un humain. Un ordinateur central, toujours plus intelligent grâce à l'intelligence artificielle, surveillera et optimisera l'état psychologique et physique du citoyen par le biais de nanoparticules dans le sang. Freud pensait que gouverner est l'une des professions impossibles, mais le grand homme d'État de l'IA changera cela. La société - cet amas de corps chaotique et agité - deviendra un "internet des corps" fonctionnant parfaitement grâce au triomphe de la raison. Finies les dépressions et les crises d'angoisse. Les hormones de l'anxiété et du stress, la sérotonine et l'ocytocine seront maintenues à un niveau parfait par des pompes hormonales situées dans les parois des veines. Fini aussi le crime - les schémas neuronaux criminels seront détectés et neutralisés à un stade précoce. Et si nécessaire, les articulations bioniques des êtres cyborg dont les valeurs sanguines sont difficiles à gérer pourront toujours être verrouillées à distance. L'homme cyborg transcendera enfin son existence tourmentée par l'irrationalité. Il enregistrera parfaitement la réalité grâce à des caméras qui remplacent le cristallin toujours trouble de l'œil et à des microphones qui ne sont pas gênés par la surdité sélective et les acouphènes. Le flux de données hyper-précises ainsi fourni sera stocké dans sa mémoire augmentée d'un disque dur et communiqué de manière parfaitement rationnelle et impartiale aux autres humains cyborgs par l'intermédiaire d'une puce cérébrale intégrée. Ce paradis sera éternel. Si une partie de l'humain cyborg s'use, elle est simplement remplacée. L'esprit et l'âme de l'homme, sous-produits insignifiants du matériel biologique de son cerveau, sont stockés sur un disque dur et, si c'est vraiment nécessaire, téléchargés dans un nouveau corps de cyborg cultivé en laboratoire. Hannah Arendt l'a déjà souligné : le seul problème de ce paradis totalitaire est qu'il ressemble étrangement à l'enfer. Il est frappant de constater que le paradis que Huxley explore dans Les portes de la perception est, à bien des égards, précisément opposé au paradis totalitaire. Le paradis totalitaire est le résultat de la pensée rationnelle. Il apparaît lorsque la compréhension rationnelle est complète et que la capacité de contrôler et de manipuler la réalité est maximale. L'expérience paradisiaque qu'explore Huxley, en revanche, s'impose à l'humanité lorsqu'elle abandonne sa pensée rationnelle, transcende son ego et renonce à tout désir de contrôler et de manipuler la "réalité". La personne fusionne avec l'Être, à tel point que toute tentative de connaissance rationnelle ne peut que nuire à la conscience qu'elle en a. La connaissance que l'humanité reçoit dans ce paradis n'est pas une connaissance rationnelle ; c'est une connaissance empathique qui découle essentiellement d'une expérience directe de l'Être des choses. Ce qui est vécu là est le véritable fondement des choses que de grands peintres comme Vermeer et Braque ont capturé sur la toile ; c'est l'essence mystique à laquelle Blake a consacré son œuvre. « Des choses sans prétention, satisfaites d'être simplement elles-mêmes, suffisantes dans leur Suprématie, ne jouant aucun rôle, n'essayant pas, de manière insensée, de faire cavalier seul, isolées du corps du Dharma, dans un défi luciférien à la grâce de Dieu » (Huxley, The Doors of Perception, p. ). Crucial dans le contexte de cette série d'articles sur l'acte de parler : le langage a un statut complètement différent dans le paradis d'Huxley et dans le paradis totalitaire. Dans le paradis totalitaire, le langage n'est qu'un échange d'informations. Dans les expériences décrites par Huxley, c'est exactement le contraire. Il le décrit avec force : dans l'expérience de la mescaline et dans l'expérience mystique, on ne se soucie pas de la signification des mots et des symboles. Cela ne signifie pas que la langue dans cet état devient indifférente. Au contraire. Une autre dimension du langage apparaît au premier plan. Les mots arrivent directement, ils n'ont pas besoin de passer par un processus mental laborieux pour acquérir un sens et être liés à des perceptions : « Sortir des ornières de la perception ordinaire, se voir montrer pendant quelques heures intemporelles le monde extérieur et le monde intérieur, non pas tels qu'ils apparaissent à un animal obsédé par la survie ou à un être humain obsédé par les mots et les notions, mais tels qu'ils sont appréhendés directement et inconditionnellement par l'esprit dans son ensemble, voilà une expérience d'une valeur inestimable pour tout le monde et surtout pour l'intellectuel. » (Huxley, Les portes de la perception). D'une certaine manière, la poésie parle : moins on réfléchit et plus on laisse le poème entrer directement, plus l'expérience poétique est intense. Tout comme un jeune enfant peut apprendre à distinguer les phonèmes extraordinairement rapidement, un adulte sous l'influence de la mescaline devient extraordinairement sensible à d'infimes différences dans les couleurs et les sons : « Toutes les couleurs sont intensifiées à un niveau bien supérieur à tout ce qui est observé dans l'état normal, et en même temps la capacité de l'esprit à reconnaître les fines distinctions de ton et de teinte est notablement accrue. » (Huxley, Les portes de la perception). Dans l'état sans Ego, le langage n'est donc pas tant un système d'échange d'informations, il parle plutôt par sa dimension sonore et musicale, par ses caractéristiques formelles. Dans cet état, le langage est dépouillé de tout sens ; il jaillit directement de ce qui vit dans le corps animé ; il témoigne par son rythme, sa sonorité, ses rebonds, ses bégaiements de l'Âme qui sommeille dans les tensions des fibres du corps animé du locuteur. L'enfant qui écoute la mère et reçoit ses sons sent la mère dans son corps, attirant son âme vers l'intérieur à travers les sons. Et l'enfant qui parle lui-même transporte sa propre âme vers l'autre à travers les sons qu'il émet. Cette dimension pure et émotionnelle du langage disparaît en grande partie dès que les mots commencent à être porteurs de sens et à se référer à des objets. De cette exploration, nous tirons une caractéristique essentielle du parler sincère : dans un sens, le parler sincère nous ramène au cœur de notre être, avant qu'il ne soit recouvert par des conventions sociales et des significations. L'expression sincère se fait principalement à partir du corps animé et sensible, et beaucoup moins à partir de la tête ; il s'agit d'une expression émotionnelle plutôt que d'une expression rationnelle. Celui qui parle avant de penser est plus sincère que celui qui s'abandonne d'abord trop aux considérations sur ce qu'il est juste de dire, sur ce qui doit, pourrait et peut être dit. Pratiquer l'art du parler sincère se résume en grande partie à ceci : se connecter à ce qui sommeille et vibre dans les fibres de votre corps animé, le laisser former des mots et prononcer ces mots avant qu'ils ne soient déformés par les pensées et censurés par les conventions sociales. Vous ne pouvez certainement pas suivre cette règle partout et toujours, et elle ne suffit certainement pas à définir la "vérité", mais elle en touche un aspect essentiel. C'est ce type de parole qui pénètre à travers le voile de l'apparence et perce littéralement des trous dans l'Ego par lesquels s'établissent des connexions de résonance entre les corps animés ; c'est ce type de parole qui réalise un véritable lien humain ; c'est ce type de parole qui accroît le sens intuitif de l'être humain. |
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Traduction avec l'aide de deepl.com
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