Différences entre les versions de « Mattias Desmet/2025.11.18 »

 
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| width="47.5%" |I have already shared a few thoughts about my recent stay in the Himalayas, but something else happened there that I don’t want to keep from you. On the third day of the conference in Leh, I attended a panel discussion about spirituality, science and ecology. The discussion took place in the Palace Hotel, on the edge of the city. The hotel is set against the backdrop of a colossal grey- and ochre-coloured mountain massif. A few hundred metres above the hotel you can see the seventeenth-century Lechen Palkhar, palace of the former Namgyal dynasty, and the century-older Buddhist monastery Namgyal Tsemo Gompa. Both buildings perch like swallows’ nests, moulded onto and against the mountainside.
| width="47.5%" valign="top" |I have already shared a few thoughts about my recent stay in the Himalayas, but something else happened there that I don’t want to keep from you. On the third day of the conference in Leh, I attended a panel discussion about spirituality, science and ecology. The discussion took place in the Palace Hotel, on the edge of the city. The hotel is set against the backdrop of a colossal grey- and ochre-coloured mountain massif. A few hundred metres above the hotel you can see the seventeenth-century Lechen Palkhar, palace of the former Namgyal dynasty, and the century-older Buddhist monastery Namgyal Tsemo Gompa. Both buildings perch like swallows’ nests, moulded onto and against the mountainside.
In a small room at the front of the hotel, a small audience has gathered – about twenty people. They sit at tables arranged in a rectangular shape. The three speakers are seated side by side at the short end of the rectangle, closest to the door. I won’t go into the content of the discussion here. It matters little for what I want to say. I am there only as a listener, but during the exchange with the audience at the end of the conversation, I make a rather long comment about the problematic relationship between science and the university. There are a few approving reactions, and then time is up and the meeting is over.
In a small room at the front of the hotel, a small audience has gathered – about twenty people. They sit at tables arranged in a rectangular shape. The three speakers are seated side by side at the short end of the rectangle, closest to the door. I won’t go into the content of the discussion here. It matters little for what I want to say. I am there only as a listener, but during the exchange with the audience at the end of the conversation, I make a rather long comment about the problematic relationship between science and the university. There are a few approving reactions, and then time is up and the meeting is over.


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Two days later Maahir is present, equipped with a digital recorder and accompanied by four comrades. During the lunch break we sit on the steps behind the town hall, where that day’s lectures are taking place. Before that conversation I had never considered giving lectures for children. Afterwards, I did. The precision of their questions about the mechanistic worldview, about the nature of narcissism, about the connection between totalitarianism and science, about the way in which the ordinary citizen is totalitarian—it dawns on me how much more the child’s mind grasps than I had thought.
Two days later Maahir is present, equipped with a digital recorder and accompanied by four comrades. During the lunch break we sit on the steps behind the town hall, where that day’s lectures are taking place. Before that conversation I had never considered giving lectures for children. Afterwards, I did. The precision of their questions about the mechanistic worldview, about the nature of narcissism, about the connection between totalitarianism and science, about the way in which the ordinary citizen is totalitarian—it dawns on me how much more the child’s mind grasps than I had thought.


 
| valign="top" |J'ai déjà partagé quelques réflexions sur mon récent séjour dans l'Himalaya, mais il s'est passé autre chose là-bas que je ne veux pas vous cacher. Le troisième jour de la conférence à Leh, j'ai assisté à une table ronde sur la spiritualité, la science et l'écologie. La discussion a eu lieu au Palace Hotel, à la périphérie de la ville. L'hôtel est situé dans le cadre d'un massif montagneux colossal aux couleurs grises et ocres. À quelques centaines de mètres au-dessus de l'hôtel, on peut voir le Lechen Palkhar, palais de l'ancienne dynastie Namgyal datant du XVIIe siècle, et le monastère bouddhiste Namgyal Tsemo Gompa, vieux d'un siècle. Les deux bâtiments sont perchés comme des nids d'hirondelles, moulés contre le flanc de la montagne.
 
 
 
 
|J'ai déjà partagé quelques réflexions sur mon récent séjour dans l'Himalaya, mais il s'est passé autre chose là-bas que je ne veux pas vous cacher. Le troisième jour de la conférence à Leh, j'ai assisté à une table ronde sur la spiritualité, la science et l'écologie. La discussion a eu lieu au Palace Hotel, à la périphérie de la ville. L'hôtel est situé dans le cadre d'un massif montagneux colossal aux couleurs grises et ocres. À quelques centaines de mètres au-dessus de l'hôtel, on peut voir le Lechen Palkhar, palais de l'ancienne dynastie Namgyal datant du XVIIe siècle, et le monastère bouddhiste Namgyal Tsemo Gompa, vieux d'un siècle. Les deux bâtiments sont perchés comme des nids d'hirondelles, moulés contre le flanc de la montagne.
Dans une petite salle à l'avant de l'hôtel, un public restreint s'est rassemblé – une vingtaine de personnes. Elles sont assises à des tables disposées en rectangle. Les trois intervenants sont assis côte à côte à l'extrémité la plus courte du rectangle, la plus proche de la porte. Je ne m'étendrai pas ici sur le contenu de la discussion. Cela n'a guère d'importance pour ce que je veux dire. Je ne suis là qu'en tant qu'auditeur, mais lors de l'échange avec le public à la fin de la conversation, je fais un commentaire assez long sur la relation problématique entre la science et l'université. Il y a quelques réactions approbatrices, puis le temps est écoulé et la réunion est terminée.
Dans une petite salle à l'avant de l'hôtel, un public restreint s'est rassemblé – une vingtaine de personnes. Elles sont assises à des tables disposées en rectangle. Les trois intervenants sont assis côte à côte à l'extrémité la plus courte du rectangle, la plus proche de la porte. Je ne m'étendrai pas ici sur le contenu de la discussion. Cela n'a guère d'importance pour ce que je veux dire. Je ne suis là qu'en tant qu'auditeur, mais lors de l'échange avec le public à la fin de la conversation, je fais un commentaire assez long sur la relation problématique entre la science et l'université. Il y a quelques réactions approbatrices, puis le temps est écoulé et la réunion est terminée.


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Deux jours plus tard, Maahir est présent, équipé d'un enregistreur numérique et accompagné de quatre camarades. Pendant la pause déjeuner, nous nous asseyons sur les marches derrière la mairie, où se déroulent les conférences de la journée. Avant cette conversation, je n'avais jamais envisagé de donner des conférences pour des enfants. Après, je l'ai fait. La précision de leurs questions sur la vision mécaniste du monde, sur la nature du narcissisme, sur le lien entre totalitarisme et science, sur la manière dont le citoyen ordinaire est totalitaire... Je réalise à quel point l'esprit des enfants comprend plus que je ne le pensais.
Deux jours plus tard, Maahir est présent, équipé d'un enregistreur numérique et accompagné de quatre camarades. Pendant la pause déjeuner, nous nous asseyons sur les marches derrière la mairie, où se déroulent les conférences de la journée. Avant cette conversation, je n'avais jamais envisagé de donner des conférences pour des enfants. Après, je l'ai fait. La précision de leurs questions sur la vision mécaniste du monde, sur la nature du narcissisme, sur le lien entre totalitarisme et science, sur la manière dont le citoyen ordinaire est totalitaire... Je réalise à quel point l'esprit des enfants comprend plus que je ne le pensais.


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|As I write this, it suddenly occurs to me that when I reread writings or diaries from my own young self, I am often pleasantly surprised by what I wrote at that age. Why do we not see children’s capacities? Why do we forget the capacities we ourselves once had as children? Perhaps because we want to maintain the illusion that we are growing and making progress? I do not doubt that many people do in some respects actually grow throughout life. But perhaps they are mainly the people who rediscover the child within themselves? ''“It took me four years to learn to paint like Raphael, but a lifetime to paint like a child.”'' (Picasso.)
|As I write this, it suddenly occurs to me that when I reread writings or diaries from my own young self, I am often pleasantly surprised by what I wrote at that age. Why do we not see children’s capacities? Why do we forget the capacities we ourselves once had as children? Perhaps because we want to maintain the illusion that we are growing and making progress? I do not doubt that many people do in some respects actually grow throughout life. But perhaps they are mainly the people who rediscover the child within themselves? ''“It took me four years to learn to paint like Raphael, but a lifetime to paint like a child.”'' (Picasso.)
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|<nowiki>**</nowiki>The children of Ladakh**
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Version actuelle datée du 19 novembre 2025 à 12:22

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2025 : Pourquoi l'école nous rend plus bêtes – L'ouverture d'esprit céleste de l'enfant

Source : words.mattiasdesmet.org/p/2025-why-schools-make-us-dumber-the

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I have already shared a few thoughts about my recent stay in the Himalayas, but something else happened there that I don’t want to keep from you. On the third day of the conference in Leh, I attended a panel discussion about spirituality, science and ecology. The discussion took place in the Palace Hotel, on the edge of the city. The hotel is set against the backdrop of a colossal grey- and ochre-coloured mountain massif. A few hundred metres above the hotel you can see the seventeenth-century Lechen Palkhar, palace of the former Namgyal dynasty, and the century-older Buddhist monastery Namgyal Tsemo Gompa. Both buildings perch like swallows’ nests, moulded onto and against the mountainside.

In a small room at the front of the hotel, a small audience has gathered – about twenty people. They sit at tables arranged in a rectangular shape. The three speakers are seated side by side at the short end of the rectangle, closest to the door. I won’t go into the content of the discussion here. It matters little for what I want to say. I am there only as a listener, but during the exchange with the audience at the end of the conversation, I make a rather long comment about the problematic relationship between science and the university. There are a few approving reactions, and then time is up and the meeting is over.

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A little later I am standing under the awning at the entrance of the hotel, waiting for a taxi to take me to the town square. I watch dusk fall over grey houses with carelessly stacked firewood on the roofs. To the left and right, Royal Enfield motorcycles are parked in front of and against the walls. The only country where these icons of the British Empire are still made is India. They are ridden everywhere here, enigmatic witnesses to the complex relationship between coloniser and colonised. Here and there donkeys look for a place to sleep against a tree or a wall. Their hoarse cries sound plaintive in the silver light of the rising moon. They beg the city to hide from the awakening demons of the night.

I feel my thoughts dissolving in the endless evening air and look dreamily at the snow-covered mountain peaks. No donkey or human can unsettle them, steadfast witnesses to all the justice that has already been done and all that is yet to come. I fall back to earth – to my left a clear little voice sounds. “Sir, can I ask you something?” Two black eyes of a little boy of about twelve look up at me. “Of course.”

“What is totalitarianism?” (I feel my face turn into a smile.)

“The word totalitarianism refers to a state system that not only wants control over what people do in the street and in the marketplace, but also in the kitchen and the bedroom.”

“Do they want total control, Sir?”

“Yes.”

“Is that why they call it totalitarianism?” (My smile blossoms.)

“You could say that, yes.”

“Why do they want that?”

“Because sometimes people crave order so much that they forget that only chaos can give birth to a dancing star.” (Is Nietzsche taking root in that young soil?)

“Will you still be here tomorrow, Sir?”

“Not tomorrow, but the day after I’ll be back here.”

“May I ask you a few more questions then?”

“Certainly.”

“I will bring an audiotape.”

“Oh, are you going to write an article about it?”

“No, but then I can listen to our conversation again later.” (My taxi arrives.)

“What is your name?”

“Maahir, Sir.”

“And how old are you?”

“Thirteen.”

I try, while making my way through the maze of little streets, in vain to remember at what point during the panel discussion I used the word “totalitarianism.” Do thirteen-year-olds come to academic conferences here?

Two days later Maahir is present, equipped with a digital recorder and accompanied by four comrades. During the lunch break we sit on the steps behind the town hall, where that day’s lectures are taking place. Before that conversation I had never considered giving lectures for children. Afterwards, I did. The precision of their questions about the mechanistic worldview, about the nature of narcissism, about the connection between totalitarianism and science, about the way in which the ordinary citizen is totalitarian—it dawns on me how much more the child’s mind grasps than I had thought.

J'ai déjà partagé quelques réflexions sur mon récent séjour dans l'Himalaya, mais il s'est passé autre chose là-bas que je ne veux pas vous cacher. Le troisième jour de la conférence à Leh, j'ai assisté à une table ronde sur la spiritualité, la science et l'écologie. La discussion a eu lieu au Palace Hotel, à la périphérie de la ville. L'hôtel est situé dans le cadre d'un massif montagneux colossal aux couleurs grises et ocres. À quelques centaines de mètres au-dessus de l'hôtel, on peut voir le Lechen Palkhar, palais de l'ancienne dynastie Namgyal datant du XVIIe siècle, et le monastère bouddhiste Namgyal Tsemo Gompa, vieux d'un siècle. Les deux bâtiments sont perchés comme des nids d'hirondelles, moulés contre le flanc de la montagne.

Dans une petite salle à l'avant de l'hôtel, un public restreint s'est rassemblé – une vingtaine de personnes. Elles sont assises à des tables disposées en rectangle. Les trois intervenants sont assis côte à côte à l'extrémité la plus courte du rectangle, la plus proche de la porte. Je ne m'étendrai pas ici sur le contenu de la discussion. Cela n'a guère d'importance pour ce que je veux dire. Je ne suis là qu'en tant qu'auditeur, mais lors de l'échange avec le public à la fin de la conversation, je fais un commentaire assez long sur la relation problématique entre la science et l'université. Il y a quelques réactions approbatrices, puis le temps est écoulé et la réunion est terminée.

Un peu plus tard, je me tiens sous l'auvent à l'entrée de l'hôtel, attendant un taxi pour me conduire à la place principale. Je regarde le crépuscule tomber sur les maisons grises aux toits recouverts de bois de chauffage empilé négligemment. À gauche et à droite, des motos Royal Enfield sont garées devant et contre les murs. Le seul pays où ces icônes de l'Empire britannique sont encore fabriquées est l'Inde. Elles sont utilisées partout ici, témoins énigmatiques de la relation complexe entre colonisateurs et colonisés. Çà et là, des ânes cherchent un endroit où dormir contre un arbre ou un mur. Leurs cris rauques résonnent de manière plaintive dans la lumière argentée de la lune montante. Ils supplient la ville de les cacher aux démons de la nuit qui s'éveillent.

Je sens mes pensées se dissoudre dans l'air infini du soir et je regarde rêveusement les sommets enneigés. Aucun âne ni aucun humain ne peut les perturber, témoins inébranlables de toute la justice qui a déjà été rendue et de tout ce qui reste à venir. Je retombe sur terre – à ma gauche, une petite voix claire retentit. « Monsieur, je peux vous poser une question ? » Deux yeux noirs d'un petit garçon d'environ douze ans me regardent. « Bien sûr.

« Qu'est-ce que le totalitarisme ? » (Je sens mon visage s'illuminer d'un sourire.)

« Le mot totalitarisme désigne un système étatique qui veut contrôler non seulement ce que font les gens dans la rue et sur les marchés, mais aussi dans leur cuisine et leur chambre à coucher. »

« Veulent-ils un contrôle total, monsieur ? »

« Oui. »

« C'est pour cela qu'on appelle cela le totalitarisme ? » (Mon sourire s'élargit.)

« On peut dire ça, oui. »

« Pourquoi veulent-ils cela ? »

— Parce que parfois, les gens ont tellement soif d'ordre qu'ils en oublient que seul le chaos peut donner naissance à une étoile dansante. (Nietzsche prend-il racine dans ce jeune esprit ?)

« Serez-vous encore là demain, monsieur ? »

« Pas demain, mais je serai de retour après-demain. »

« Puis-je vous poser encore quelques questions alors ? »

« Bien sûr. »

« J'apporterai un enregistreur audio. »

« Oh, vous allez écrire un article à ce sujet ? »

« Non, mais je pourrai réécouter notre conversation plus tard. » (Mon taxi arrive.)

« Comment vous appelez-vous ? »

« Maahir, monsieur. »

« Et quel âge avez-vous ? »

« Treize ans. »

Tout en me frayant un chemin à travers le dédale de petites rues, j'essaie en vain de me rappeler à quel moment de la table ronde j'ai utilisé le mot « totalitarisme ». Les enfants de treize ans assistent-ils à des conférences universitaires ici ?

Deux jours plus tard, Maahir est présent, équipé d'un enregistreur numérique et accompagné de quatre camarades. Pendant la pause déjeuner, nous nous asseyons sur les marches derrière la mairie, où se déroulent les conférences de la journée. Avant cette conversation, je n'avais jamais envisagé de donner des conférences pour des enfants. Après, je l'ai fait. La précision de leurs questions sur la vision mécaniste du monde, sur la nature du narcissisme, sur le lien entre totalitarisme et science, sur la manière dont le citoyen ordinaire est totalitaire... Je réalise à quel point l'esprit des enfants comprend plus que je ne le pensais.

As I write this, it suddenly occurs to me that when I reread writings or diaries from my own young self, I am often pleasantly surprised by what I wrote at that age. Why do we not see children’s capacities? Why do we forget the capacities we ourselves once had as children? Perhaps because we want to maintain the illusion that we are growing and making progress? I do not doubt that many people do in some respects actually grow throughout life. But perhaps they are mainly the people who rediscover the child within themselves? “It took me four years to learn to paint like Raphael, but a lifetime to paint like a child.” (Picasso.)

Professor of developmental psychology Patricia Kuhl studied the cognitive and linguistic abilities of babies in the first six months of life. Newborn children, quite remarkably, possess perfect knowledge in certain respects. For example, they can distinguish all phonemes of all the world’s languages from one another. An adult needs years to learn this. They also detect, almost instantly and with mathematical precision, complex patterns in the sounds of language and music. They never had to acquire that knowledge or those abilities. It is freely available. Kuhl therefore calls babies “linguistic and mathematical geniuses.” To use Aldous Huxley’s words: they are in direct contact with The Mind at Large.

Kuhl reaches for a concept from nineteenth-century romantic philosophy to describe this phenomenon: “The celestial openness of the child’s mind.” Something in the child is still “open.” That opening forms a source-mouth through which a crystalline consciousness wells up abundantly in the childlike mind. Kuhl seeks that openness mainly in the brain structures of the young child. The biochemistry of their brain must be different. I think we should look elsewhere for the answer to the riddle. A child in its first six months does not yet have an Ego. It is not yet enclosed in a narcissistic shell. That shell forms only when a child, somewhere between six and nine months, first recognizes itself in the mirror. From then on its energy and attention begin to be absorbed by the superficial ideal image of its body.

That external ideal image, object of the Other’s enjoyment, becomes a psychological “shell,” a wall of narcissism, which increasingly isolates the growing child from the world and from other people, and ensures that the antenna picks up less and less of Huxley’s “Mind at Large.” By the age of seven the ego-shell has reached such a thickness that a child has already largely lost the spontaneous consciousness of the first months of life. From then on, for example, it must exert almost as much effort as an adult to learn to distinguish the phonemes of foreign languages. It likely takes until after adolescence for the ego-structure to have fully reached adult consistency, and for almost all knowledge to have to be realized through laborious rational thought.

The Ego is a boundary, a boundary between inside and outside. That boundary is not an end in itself. Its function is to keep what is good within and to be able to move destructive elements outward, to literally express them. Our Ego is not built to be the palace of our vanity; it is the workshop of the Soul. In the same way, our intellect is not made to be the ultimate guide — it is made to work in the service of a truth and a knowing that it can never fully grasp. An intellect that tries to lead will mostly mis-lead. That is, in my interpretation, the tenor of the book The Master and His Emissary, written by one of the true intellectual giants of our time, Dr. Iain McGilchrist.

Our education system has one merit: it indeed transfers a substantial amount of rational knowledge from generation to generation. But in general, even the transmission of rational knowledge is increasingly under threat. Whoever focuses too much on a secondary matter in life eventually loses even that secondary matter. Education is producing more and more illiteracy — neither writing nor reading reaches a reasonable level anymore, even among the highly educated. With Artificial Intelligence, that problem will, in all likelihood, become even more severe. There are already experts who apparently consider the greatest goal of education to be teaching students how to work with A.I. Why should a human do what a machine can do, after all?

In a certain sense, this is the deepest misconception of Enlightenment culture: true knowledge of the world does not come about through rational thought; consciousness does not arise in the small cave of our skull. Consciousness exists outside of us, sovereign and timeless. It comes to us in the quiet moments when our narcissism subsides; it flows in wherever it finds a crack or an opening in our Ego; it gently lifts us onto its ship, where for a moment we stop clinging to the false lifebuoy of our little intellect; it ap-pears where, with sincere words, we break through the Veil of Appearance behind which we so eagerly hide our nakedness.

There is a certain connection between sincerity or truth and intuition. In samurai culture this is well understood: the warrior who fails to speak sincere words loses his sixth sense and dies on the battlefield of life.“All living creatures as well as human beings lose intuition and awareness of their subconsciousas the level of culture becomes higher and higher. Supernatural power is not a skill or trick. It exists in your heart, in your sincerity.” (The Essence of Ninjutsu, pp. 49–50).

The education of Enlightenment culture is guided by the illusion that rational knowledge is the compass on which the ship of our life must sail. The ideology on which our education system is based is not rational, it is rationalistic; it nourishes the illusion of an ultimate rational understanding. That illusion mainly feeds the Ego and increasingly shuts us off from the Mind at Large. The great scholars of mass psychology and propaganda have repeatedly observed: the higher the education level, the more easily people allow themselves to be deceived, the more susceptible they are to propaganda. Jacques Ellul, perhaps the sharpest thinker in the field of propaganda, believed that formal schooling is ultimately a form of (unconscious) indoctrination that makes children vulnerable to the propaganda they will encounter later in life.

At this point I remember something from when I was barely twenty years old. I travelled to South Africa and, for the first time in my life, spoke with children who had spent very little time in school. The effortless precision with which they answered all my questions, the mischievous sharpness with which they questioned my answers to their questions—I could only conclude that a brighter light shone in their minds than in the educated minds of European children. The same was noticed by the Jesuits who studied the Indigenous cultures of North-East America: those unschooled minds surpass the highly educated European elite in both intellectual and rhetorical ability.

Maahir and his friends, with their sparkling intelligence and their moving sincerity, are all students of the Coveda school. That school combines pre-colonial Vedic education with modern subjects (English, mathematics, etc.). Schools do not necessarily make one dumber. Looking back on my own life, I must say that the school system both took much from me and gave me much. Like all institutions, schools tend to fall into the vice that is the opposite of the virtue they originally sought to cultivate. Thus the church becomes the breeding ground of the greatest immorality, the courthouse becomes the place where humans fall prey to the most systematised injustice, medicine becomes the most sophisticated assault on the health of the population, the police apparatus gains a monopoly on gratuitous violence… and schools become the place where children lose their minds.

Does there exist an education that is not indoctrination? Can one human teach another (a child) without indoctrinating him? Any education that sets rational knowledge as its ultimate goal is indoctrination and does the opposite of what it should do. Knowledge always belongs to a doctrine, to a system—but a good system is ultimately always aimed at abolishing itself and making itself unnecessary, like scaffolding that is dismantled once the building is complete. With the idealisation of reason in Enlightenment culture, that was lost, and the school system spread like a tumour and a tyranny. A child has essentially become a prisoner of the school bench. To place a being bursting with the energy of spring on a school bench for eight hours a day is something we will one day look back on as a kind of mistreatment.

I was moved and touched by the conversation with Maahir and his friends. I asked him if he would send me the recording. Liesje Breyne was kind enough to make a transcript of it—many thanks for that! Below you will find the entire conversation with the children of Ladakh. When I read the transcript earlier today, I noticed something else: in my own words I found something of the children’s clarity and unpretentiousness reflected. Le style, c’est l’homme. L’homme à qui l’on s’adresse.

Dear friends—I present to you the sparkling voices of the children of Ladakh. Enjoy!

Mattias

Au moment où j'écris ces lignes, je me rends compte que lorsque je relis les écrits ou les journaux intimes de ma jeunesse, je suis souvent agréablement surpris par ce que j'ai écrit à cet âge. Pourquoi ne voyons-nous pas les capacités des enfants ? Pourquoi oublions-nous les capacités que nous avions nous-mêmes lorsque nous étions enfants ? Peut-être parce que nous voulons entretenir l'illusion que nous grandissons et progressons ? Je ne doute pas que beaucoup de gens, à certains égards, grandissent effectivement tout au long de leur vie. Mais peut-être s'agit-il principalement de ceux qui redécouvrent l'enfant qui sommeille en eux ? « Il m'a fallu quatre ans pour apprendre à peindre comme Raphaël, mais toute une vie pour peindre comme un enfant. » (Picasso.)

Patricia Kuhl, professeure de psychologie du développement, a étudié les capacités cognitives et linguistiques des bébés au cours des six premiers mois de leur vie. Les nouveau-nés possèdent, de manière tout à fait remarquable, des connaissances parfaites à certains égards. Par exemple, ils peuvent distinguer tous les phonèmes de toutes les langues du monde les uns des autres. Un adulte a besoin de plusieurs années pour acquérir cette capacité. Ils détectent également, presque instantanément et avec une précision mathématique, des schémas complexes dans les sons du langage et de la musique. Ils n'ont jamais eu à acquérir ces connaissances ou ces capacités. Elles leur sont accessibles gratuitement. Kuhl qualifie donc les bébés de « génies linguistiques et mathématiques ». Pour reprendre les mots d'Aldous Huxley, ils sont en contact direct avec l'Esprit universel (« Mind at Large »).

Kuhl puise dans la philosophie romantique du XIXe siècle pour décrire ce phénomène : « L'ouverture céleste de l'esprit de l'enfant ». Quelque chose chez l'enfant est encore « ouvert ». Cette ouverture forme une source à travers laquelle une conscience cristalline jaillit abondamment dans l'esprit enfantin. Kuhl cherche cette ouverture principalement dans les structures cérébrales du jeune enfant. La biochimie de leur cerveau doit être différente. Je pense que nous devrions chercher ailleurs la réponse à cette énigme. Un enfant dans ses six premiers mois n'a pas encore d'ego. Il n'est pas encore enfermé dans une coquille narcissique. Cette coquille ne se forme que lorsque l'enfant, entre six et neuf mois, se reconnaît pour la première fois dans le miroir. À partir de ce moment, son énergie et son attention commencent à être absorbées par l'image idéale superficielle de son corps.

Cette image idéale extérieure, objet de la jouissance de l'Autre, devient une « coquille » psychologique, un mur de narcissisme, qui isole de plus en plus l'enfant en pleine croissance du monde et des autres personnes, et fait en sorte que l'antenne capte de moins en moins le « Mind at Large » de Huxley. À l'âge de sept ans, la coquille du moi a atteint une telle épaisseur que l'enfant a déjà largement perdu la conscience spontanée des premiers mois de sa vie. À partir de ce moment, par exemple, il doit fournir presque autant d'efforts qu'un adulte pour apprendre à distinguer les phonèmes des langues étrangères. Il faut probablement attendre la fin de l'adolescence pour que la structure de l'ego ait atteint sa cohérence adulte et que presque toutes les connaissances doivent être acquises par une pensée rationnelle laborieuse.

L'ego est une frontière, une frontière entre l'intérieur et l'extérieur. Cette frontière n'est pas une fin en soi. Sa fonction est de garder ce qui est bon à l'intérieur et d'être capable d'expulser les éléments destructeurs vers l'extérieur, afin de les exprimer littéralement. Notre ego n'est pas conçu pour être le palais de notre vanité ; c'est l'atelier de l'âme. De la même manière, notre intellect n'est pas fait pour être le guide ultime — il est fait pour travailler au service d'une vérité et d'une connaissance qu'il ne peut jamais saisir pleinement. Un intellect qui tente de diriger induira le plus souvent en erreur. C'est, selon mon interprétation, la teneur du livre The Master and His Emissary, écrit par l'un des véritables géants intellectuels de notre époque, le Dr Iain McGilchrist.

Notre système éducatif a un mérite : il transmet effectivement une quantité substantielle de connaissances rationnelles de génération en génération. Mais en général, même la transmission des connaissances rationnelles est de plus en plus menacée. Quiconque se concentre trop sur une question secondaire dans la vie finit par perdre même cette question secondaire. L'éducation produit de plus en plus d'analphabétisme : ni l'écriture ni la lecture n'atteignent plus un niveau raisonnable, même parmi les personnes hautement qualifiées. Avec l'intelligence artificielle, ce problème va très probablement s'aggraver. Certains experts considèrent déjà que le but premier de l'éducation est d'apprendre aux étudiants à travailler avec l'IA. Après tout, pourquoi un être humain ferait-il ce qu'une machine peut faire ?

Dans un certain sens, c'est là la plus profonde erreur de la culture des Lumières : la véritable connaissance du monde ne vient pas de la pensée rationnelle ; la conscience ne naît pas dans la petite cavité de notre crâne. La conscience existe en dehors de nous, souveraine et intemporelle. Elle nous vient dans les moments de calme, lorsque notre narcissisme s'apaise ; elle s'infiltre partout où elle trouve une fissure ou une ouverture dans notre ego ; elle nous hisse doucement sur son navire, où, l'espace d'un instant, nous cessons de nous accrocher à la fausse bouée de sauvetage de notre petit intellect ; elle apparaît lorsque, avec des mots sincères, nous brisons le voile des apparences derrière lequel nous cachons si avidement notre nudité.

Il existe un certain lien entre la sincérité ou la vérité et l'intuition. Dans la culture samouraï, cela est bien compris : le guerrier qui ne prononce pas de paroles sincères perd son sixième sens et meurt sur le champ de bataille de la vie. « Tous les êtres vivants, ainsi que les êtres humains, perdent leur intuition et la conscience de leur subconscient à mesure que le niveau de culture devient de plus en plus élevé. Le pouvoir surnaturel n'est pas une compétence ou une astuce. Il existe dans votre cœur, dans votre sincérité. » (L'essence du ninjutsu, pp. 49-50).

L'éducation de la culture des Lumières est guidée par l'illusion que la connaissance rationnelle est la boussole qui doit guider le navire de notre vie. L'idéologie sur laquelle repose notre système éducatif n'est pas rationnelle, elle est rationaliste ; elle nourrit l'illusion d'une compréhension rationnelle ultime. Cette illusion alimente principalement l'ego et nous éloigne de plus en plus de l'esprit universel. Les grands spécialistes de la psychologie des masses et de la propagande ont observé à maintes reprises que plus le niveau d'éducation est élevé, plus les gens se laissent facilement tromper, plus ils sont sensibles à la propagande. Jacques Ellul, peut-être le penseur le plus perspicace dans le domaine de la propagande, estimait que l'enseignement scolaire formel est en fin de compte une forme d'endoctrinement (inconscient) qui rend les enfants vulnérables à la propagande qu'ils rencontreront plus tard dans leur vie.

À ce stade, je me souviens d'un épisode qui s'est produit lorsque j'avais à peine vingt ans. Je me suis rendu en Afrique du Sud et, pour la première fois de ma vie, j'ai parlé avec des enfants qui avaient très peu fréquenté l'école. La précision avec laquelle ils répondaient sans effort à toutes mes questions, la vivacité espiègle avec laquelle ils remettaient en question mes réponses à leurs questions... Je ne pouvais que conclure qu'une lumière plus vive brillait dans leur esprit que dans celui des enfants européens éduqués. Les jésuites qui ont étudié les cultures indigènes du nord-est de l'Amérique ont fait le même constat : ces esprits non scolarisés surpassent l'élite européenne hautement éduquée tant sur le plan intellectuel que rhétorique.

Maahir et ses amis, avec leur intelligence étincelante et leur sincérité émouvante, sont tous des élèves de l'école Coveda. Cette école combine l'éducation védique précoloniale avec des matières modernes (anglais, mathématiques, etc.). L'école ne rend pas nécessairement plus bête. En repensant à ma propre vie, je dois dire que le système scolaire m'a beaucoup pris, mais m'a aussi beaucoup donné. Comme toutes les institutions, les écoles ont tendance à tomber dans le vice qui est à l'opposé de la vertu qu'elles cherchaient à cultiver à l'origine. Ainsi, l'église devient le terreau de la plus grande immoralité, le tribunal devient le lieu où les humains sont victimes de l'injustice la plus systématisée, la médecine devient l'atteinte la plus sophistiquée à la santé de la population, l'appareil policier acquiert le monopole de la violence gratuite... et les écoles deviennent le lieu où les enfants perdent la raison.

Existe-t-il une éducation qui ne soit pas un endoctrinement ? Un être humain peut-il en enseigner un autre (un enfant) sans l'endoctriner ? Toute éducation qui se fixe comme objectif ultime la connaissance rationnelle est un endoctrinement et fait le contraire de ce qu'elle devrait faire. La connaissance appartient toujours à une doctrine, à un système, mais un bon système vise en fin de compte toujours à s'abolir lui-même et à se rendre inutile, comme un échafaudage qui est démonté une fois le bâtiment terminé. Avec l'idéalisation de la raison dans la culture des Lumières, cela a été perdu, et le système scolaire s'est répandu comme une tumeur et une tyrannie. L'enfant est essentiellement devenu prisonnier du banc d'école. Placer un être débordant d'énergie printanière sur un banc d'école pendant huit heures par jour est quelque chose que nous considérerons un jour comme une forme de maltraitance.

J'ai été ému et touché par la conversation avec Maahir et ses amis. Je lui ai demandé s'il pouvait m'envoyer l'enregistrement. Liesje Breyne a eu la gentillesse d'en faire une transcription, merci beaucoup ! Vous trouverez ci-dessous l'intégralité de la conversation avec les enfants du Ladakh. En lisant la transcription plus tôt dans la journée, j'ai remarqué autre chose : j'ai retrouvé dans mes propres mots quelque chose de la clarté et de la simplicité des enfants. Le style, c'est l'homme. L'homme à qui l'on s'adresse.

Chers amis, je vous présente les voix pétillantes des enfants du Ladakh. Bonne écoute !

Mattias

**The children of Ladakh**

Sumer (13 years old):

“We had lot of observations and with them came a lot of questions.”

Maahir (13 years old):

“I have like two questions. So like what is your worldview? To moving towards a more connected way of being instead of the way like you said the mechanistic way?”

Mattias:

“Yes, what is my world view and how can we move away from that mechanist world view? That’s a very good question and a very difficult one.

I think that first and for all we have to think about what the mechanist world view exactly means at a psychological level, and I think we cannot go really deep into that analysis, but I think that mechanist world view is a world view that starts from the desire to control the world.

In the mechanist world view we believe that the universe is a machine, a machine that we can understand in a rational way and that we can manipulate in a rational way. And I think that as soon as we understand that, we can see that this world view and this desire to control our environment is actually connected to the structure of the ego.

And what is the ego? That is the next question then. The Ego, what is the ego? Well it is good to study how the Ego emerges or is born in the life of a child. Like before a child is 6 months old, it has no ego yet. A child during that period is in a very specific state. It feels a perfect empathy with other people. When a very young child watches another child that drops to the ground for instance it will very often start to cry itself because it feels the pain of the other child.

And this changes when a child is 6 months old. At that moment a child for the first time recognizes itself in the mirror and it starts to believe that it is its outer image in the mirror. And that is the moment that the child starts to live in the world of appearances and where a child starts to try to become an ideal image.

And that is what we all do, we all try to look as a model on television or as someone we appreciate and that is the moment where we get isolated from our environment and where we do not feel empathy anymore.

And I think that is, when you ask me what the alternative for the mechanist world view, well the alternative I think is a world view where the ego is weaker, less important, where we feel more connected with other people and with nature around us, more in resonance and where we because our ego gets weaker we have a stronger ethical awareness. Jah.”

Maahir (13 years old): “Hmmm, I just ask another question I guess.”

Mattias: “Ask me no matter what, if you don’t understand certain aspects or it is too difficult what I’m talking about; feel free, ask me when you don’t understand something.”

Ashmita (15 years old): ”I had connected to this one only … I had a question… Like we … In some talk she was saying that we are locked up in this modern world view or something like that and it is quite limiting, she said. So I just wanted to ask what should be like done to break these frames of ours so we can also learn to listen to the other world views of people. Sometimes we are not ready to or are not listening to theirs and just … “

Mattias: “Exactly, listening is extremely important, I think. And I think it relates again to what I was telling about the ego. Like when all our attention, our psychological attention, when we are constantly thinking about the outer ideal image, how we want to look like, what degree we will get at school, and so on, when we are constantly focussed on the world of outer appearance, we literally, you used the word prison, I think, we get locked up.”

Ashmita: “Yah” (insightful, confirming)

Mattias: “And, and, and in what [do we get locked up]? In our ego! All our attention goes to the outer surface of our body and literally we do not feel anymore what is inside our ego. And in order to break free from that prison we first and for all have to learn to speak sincerely. That means: we have to speak on the basis of what we really feel inside and not on the basis of what we think we have to say in order to be as successful as possible. No, we have to speak in a sincere way on the basis of what we truly feel. And secondly – and there is where I come to what you mentioned – we have to listen in an open minded way. That means if someone, if we are confronted with someone who has a different opinion than us, we have to really try to open up and say “Look, okay, this person has a different opinion but I will not judge him on the basis of what I think. I will open up as much as possible, allow his words to enter my soul and my body. I will really listen, try to feel what he means.

And that is the moment I think where we are connected again with the other people and where we feel we are no longer locked up in our own world view. So, I think speaking, in my analysis, ànd listening, is the most important thing. What will change the world is the act of speech and the act of listening.”

Shinthoy (14 years old): “So is it like unlearning? Is that what unlearning means?”

Mattias: “Well, it ìs unlearning. I think because we all are locked up in a certain world view. For instance, as your friend referred to the modern world view or the mechanist world view, it doesn’t matter, we are all locked up in it. And what does that mean to be locked up into something? It means that you look at the world through the lens of a certain world view. Or in other words: you look to the world in a way that you learned in our culture. And we have to unlearn to look only in one way to the world, I think. We have to unlearn to immediately interpret and read the world in a certain modern or mechanist way. So it’s a process of unlearning on the one hand. But as again, I believe that the most crucial thing is that we practice the art of sincere speech and sincere listening. I think that is the most important thing. If you do that you will automatically unlearn to look always in the same way to the world.”

Sumer: “I have a question. Open to hearing and to speaking sincere speech. At the conference I observed a lot of fake. All the adults over here who just speaking like “Oh, me, me, me.” They are only speaking like that and not even touching connecting to one another. That is not happening at all. They are just saying like “Oh, I have this degree, this Phd, I’m from Schumacher college”, whatever, so …”

Mattias: (laughs a bit) “Have you observed this here, yes? That people are often talking in terms of “me, me, me”, that is interesting …”

Sumer: “Yes, that’s what they are talking about. They try to fill up their ego and like they are not connecting to one another at all. They are just saying…the kind of communication from inside, like I said, they cannot even touch it. ….”

Mattias: “Yes, I think, like many people here, myself included, we feel that something has to change and we feel that we need to move on to a world where people are more connected. But at the same time we ourselves are very often still very much in the grip of this old “me” behavior (laughs at bit), where exactly, where everyone tries to communicate his opinion, wants to make people realize how much degrees they have, how smart they are, and so on, and where we often exactly forget ourselves to listen, to really open up to other people.”

Sumer: ”Just, adults they do not see us really, so like whenever we talk, “Oh, good kids, oh ja, kids are needed.” Like this is like such a huge divide between us. Like unconsciously they are making us into really different species. Sort of… With the big terms, but like big terms, also sometimes I feel that big terms pull you away from what you are trying to say. And I feel that simple words, simplicity, is much better to communicate.”

Mattias: ”I think that adults often are a little bit scared of children, because children are more sincere and their Ego is less strong and their soul is stronger. And everyone who withdraws in the shell of his ego, as most adults do, usually are scared of people where the soul appears, because they feel confronted with the fact that they are living a life that is not true. That’s probably why very often adults will devalue children. They will do as if it is not important what they have to say, while it is actually exactly what children say which is the kind of true speech that we would need to create a really new connected society. And I’m very happy that you ask me questions and tell me all kinds of this.”

Sumer: “I thought that you are one of the few adults who does actually see us as human beings”

Mattias: ”There will be others as well…”

Shinthoy: ”I had another question, like, when people have their own opinions, it is just like, like we cannot express it, because of like how the world is, anything, like people think something of me. Do you feel that?”

Mattias: ”Yes, you know, I think there is a lot to say about that. First, I think it is important to have your own opinion. And second it is important to articulate it, to express it. And as you say some people think it is easy to express their opinion, they can easily do it, maybe because they are a little bit more vocal in nature, a little bit more articulate. And other people can’t and very often these people are symbolically murdered. Because they cannot exist as a speaking being. As a human being when you cannot speak, we lose our existence. We need to speak, we are symbolical beings who need to articulate what they think. I think we all can do a lot for each other if we help the people who do not easily express their opinion, if we help them by making them feel that we won’t judge them, that no matter how imperfect they articulate their opinion, no matter what their opinion is, we will be listening to it as good as we can and we will consider it to be something that is important not because it is true or false, it doesn’t matter, but just because it is the opinion of someone. I think that is what we have to learn. It doesn’t matter in the first place if an opinion is right or wrong. What really matters is that we create a human living together, a society where everybody can feel he has the right to have his own opinion. That is the most important thing. The question if the opinion is right or wrong is only of secondary importance. It is the same with our own opinion, we have to just find the courage to articulate our opinion even when it is maybe wrong. Our opinion is often wrong and it will change, the opinion we have now probably will be not the same as the one we have next year. But that doesn’t mean you cannot articulate it. Everyone has the right and even the ethical duty to try to articulate his opinion, even when it is wrong. And we also have the ethical duty to listen to someones opion in a sincere way even when it might be wrong.”

Sumer: “I would like to add something to it. So uh, yesterday we went to the village for u the congress and like all what there was to do was just talking, talking, talking. No one was listening to what the other was gonna say. They were just talking, talking, talking, talking.”

Mattias: ”Yes, that is also part of the problem, I also notice that often and I also notice that in myself, like when someone, when I’m in a panel and someone is speaking I often notice that actually I am not really listening, I am already thinking about what I will say and I don’t hear anymore what the other will say. So, that’s again the Ego at work.”

Sumer: “I also find it by myself. Like even that noticing is enough. But over there no one is even noticing anything.”

Mattias: ”Hm, it is the first step noticing it, becoming aware of it, yah.”

Sumer: ”Like I can see that thought, oh yeah, they are talking, but I don’t care, I only care what I am saying”

Mattias: ”Exactly”.

Ashmita: ”Like sometimes, it’s like many people are trying to fit in the world, like, not, like not asking anything. Maybe they think like something is wrong with them and like they won’t be heard or acknowledged. And they just try to fit in the world”.

Mattias: ”Yes, yes, I think what you mention that is really something connected to the Ego. I think, like very often we just try to live up or match all these ideals that the world wants us to match. We have the feeling that we are not good as we are but we have to be something what the other wants from us. That’s I think where we lose touch with ourselves and that’s where we disappear in a world of appearances. That’s where we disappear in a fake world because we try to be someone that we are not. I think that what you refer to is the fact that our Ego constantly tries to convince us that we have to be what the other wants. Strangely enough while our ego always promises us that it will make us a king it actually makes us a slave.”

Shinthoy: “Yesterday this woman was like saying “everyone has common sense”. So I had this question: what is common sense, because common sense is like different for everyone and common sense is basically the fake normal. So what is common sense?”

Mattias: ”That is a good question, you know the philosopher Decart?”

Children in choir: ”Yes”.

Mattias: ”René Descartes said: ”Common sense seems to be the only thing everyone has enough of.” Everyone thinks that they have common sense and exactly, we forget about the question: “what does that exactly mean ‘common sense’?” Euh, I think common sense, we think we have common sense when we act perfectly according to the world view that is dominant in a society. Would that be a good answer? I don’t know. What do you think it is, common sense?”

Shinthoy: ”I think like it should be different for everybody, because since everybody isn’t the same why should there be common sense all the same.”

Mattias: ”So that’s probably also the problem with common sense, that when people say to one another “Use your common sense!”, that they actually mean “You should think like everybody thinks”. It is a really difficult question, ‘What is common sense?’”

Sumer: “I have something related to both their questions. I think it was your talk where you said you look in another person and if they seem like you, they have the same beliefs, the same likes, and if all the same political party, whatever, you only like them because of that, that is narcissism.”

Mattias: ”Exactly”.

Sumer: ”So, on schools, they want to make children think what they think is right, what society thinks is right, so, that is what I believe is narcissism too.”

Mattias: ”I agree, it is narcissism, literally, because narcissism, like, maybe you’re familiar with the great myth of Narcissus where the word comes from. Narcissus was a Greek prince who was very handsome and very beautiful and once he saw his own mirror image in a lake and he fell in love with himself. He was so fascinated by this own mirror image that he couldn’t here anymore the voice of his beloved. So narcissism is the love for your own mirror image. When you love people only when they vote for the same political party, when they act the same as you, what you love is your mirror image and what you feel is not love, it is narcissism. And it will isolate you and it will make you incapable of feeling love. I think that is one on the ways we could characterize the problem of our society. I think maybe much more in Belgium then here in Ladakh, where I think society here is slightly less, is less narcistic. The more technology is used, the more it will become narcistic.”

Sumer: ”Like selfies”

Mattias: ”It is all build, like the algorithms of social media are all build to select people that are like you, that confirm your own ideal image.”

Maahir: ”You have anything you want to share?”

Mattias: ”Yes, there are many things that I want to share. I’m very happy that you are here. I’ve never been on a conference where there where younger people like you are and I’m very surprised that euh that you understand most things better than adults. For me it is a very nice experience to have this conversation with you. I hope we see each other again on other conferences and if you want I will give you my email address. You can always reach out to me. And I would like to ask you a favour: can you send me the recording?”

Children in choir: ”Yeah, sure!”

Mattias: ”I will love listening to it, yes. Thank you!

Children in choir: ”Thank you, thank you!”


**Les enfants du Ladakh**

Sumer (13 ans) :

« Nous avons fait beaucoup d'observations et celles-ci ont suscité beaucoup de questions. »

Maahir (13 ans) :

« J'ai deux questions. Quelle est votre vision du monde ? Comment évoluer vers un mode de vie plus connecté plutôt que vers ce que vous appelez le mode mécaniste ? »

Mattias :

« Oui, quelle est ma vision du monde et comment pouvons-nous nous éloigner de cette vision mécaniste ? C'est une très bonne question, mais aussi une question très difficile.

Je pense que nous devons avant tout réfléchir à ce que signifie exactement la vision mécaniste du monde sur le plan psychologique, et je pense que nous ne pouvons pas vraiment approfondir cette analyse, mais je pense que la vision mécaniste du monde est une vision qui part du désir de contrôler le monde.

Dans la vision mécaniste du monde, nous croyons que l'univers est une machine, une machine que nous pouvons comprendre de manière rationnelle et que nous pouvons manipuler de manière rationnelle. Et je pense que dès que nous comprenons cela, nous pouvons voir que cette vision du monde et ce désir de contrôler notre environnement sont en fait liés à la structure de l'ego.

Et qu'est-ce que l'ego ? C'est la question suivante. L'ego, qu'est-ce que l'ego ? Eh bien, il est bon d'étudier comment l'ego émerge ou naît dans la vie d'un enfant. Avant l'âge de 6 mois, un enfant n'a pas encore d'ego. Pendant cette période, l'enfant se trouve dans un état très particulier. Il ressent une empathie parfaite envers les autres. Lorsqu'un très jeune enfant voit un autre enfant tomber par terre, par exemple, il se met très souvent à pleurer lui-même parce qu'il ressent la douleur de l'autre enfant.

Et cela change lorsque l'enfant atteint l'âge de 6 mois. À ce moment-là, l'enfant se reconnaît pour la première fois dans le miroir et commence à croire que c'est son image extérieure qui se reflète dans le miroir. C'est à ce moment-là que l'enfant commence à vivre dans le monde des apparences et qu'il commence à essayer de devenir une image idéale.

C'est ce que nous faisons tous, nous essayons tous de ressembler à un modèle à la télévision ou à quelqu'un que nous apprécions, et c'est à ce moment-là que nous nous isolons de notre environnement et que nous ne ressentons plus d'empathie.

Et je pense que lorsque vous me demandez quelle est l'alternative à la vision mécaniste du monde, eh bien, je pense que l'alternative est une vision du monde où l'ego est plus faible, moins important, où nous nous sentons plus connectés aux autres et à la nature qui nous entoure, plus en résonance, et où, parce que notre ego s'affaiblit, nous avons une conscience éthique plus forte. Oui. »

Maahir (13 ans) : « Hmmm, je vais juste poser une autre question, je suppose. »

Mattias : « Pose-moi toutes les questions que tu veux, si tu ne comprends pas certains aspects ou si ce dont je parle est trop difficile ; n'hésite pas, demande-moi quand tu ne comprends pas quelque chose. »

Ashmita (15 ans) : « Je me suis connectée à celle-ci uniquement... J'avais une question... Comme nous... Dans une discussion, elle disait que nous sommes enfermés dans cette vision moderne du monde ou quelque chose comme ça, et que c'est assez limitatif, disait-elle. Je voulais donc simplement demander ce qu'il faudrait faire pour briser ces cadres afin que nous puissions aussi apprendre à écouter les autres visions du monde des gens. Parfois, nous ne sommes pas prêts à écouter les leurs et nous nous contentons simplement de... »

Mattias : « Exactement, je pense qu'il est extrêmement important d'écouter. Et je pense que cela rejoint ce que je disais à propos de l'ego. Quand toute notre attention, notre attention psychologique, est constamment tournée vers l'image idéale extérieure, vers l'apparence que nous voulons avoir, vers les notes que nous voulons obtenir à l'école, etc., quand nous sommes constamment concentrés sur le monde de l'apparence extérieure, nous sommes littéralement, tu as utilisé le mot prison, je crois, enfermés. »

Ashmita : « Oui » (perspicacité, confirmation)

Mattias : « Et, et, et dans quoi [sommes-nous enfermés] ? Dans notre ego ! Toute notre attention va à la surface extérieure de notre corps et nous ne ressentons littéralement plus ce qui se trouve à l'intérieur de notre ego. Et pour nous libérer de cette prison, nous devons avant tout apprendre à parler sincèrement. Cela signifie que nous devons parler en fonction de ce que nous ressentons vraiment à l'intérieur et non en fonction de ce que nous pensons devoir dire pour avoir le plus de succès possible. Non, nous devons parler de manière sincère, en fonction de ce que nous ressentons vraiment. Et deuxièmement, et c'est là que j'en viens à ce que vous avez mentionné, nous devons écouter avec un esprit ouvert. Cela signifie que si quelqu'un, si nous sommes confrontés à quelqu'un qui a une opinion différente de la nôtre, nous devons vraiment essayer de nous ouvrir et dire : « Écoutez, d'accord, cette personne a une opinion différente, mais je ne vais pas la juger sur la base de ce que je pense. Je vais m'ouvrir autant que possible, laisser ses paroles pénétrer mon âme et mon corps. Je vais vraiment écouter, essayer de comprendre ce qu'elle veut dire.

Et c'est à ce moment-là, je pense, que nous nous reconnectons avec les autres et que nous sentons que nous ne sommes plus enfermés dans notre propre vision du monde. Donc, selon mon analyse, je pense que parler et écouter sont les choses les plus importantes. Ce qui changera le monde, c'est l'acte de parler et l'acte d'écouter. »

Shinthoy (14 ans) : «» « C'est donc comme désapprendre ? C'est ça, désapprendre ? »

Mattias : « Eh bien, c'est désapprendre. Je pense que c'est parce que nous sommes tous enfermés dans une certaine vision du monde. Par exemple, comme votre ami l'a mentionné, la vision moderne du monde ou la vision mécaniste du monde, peu importe, nous sommes tous enfermés dedans. Et qu'est-ce que cela signifie d'être enfermé dans quelque chose ? Cela signifie que vous regardez le monde à travers le prisme d'une certaine vision du monde. En d'autres termes, vous regardez le monde d'une manière que vous avez apprise dans notre culture. Et je pense que nous devons désapprendre à ne regarder le monde que d'une seule manière. Nous devons désapprendre à interpréter et à lire immédiatement le monde d'une certaine manière moderne ou mécaniste. C'est donc d'une part un processus de désapprentissage. Mais là encore, je crois que le plus important est de pratiquer l'art de parler et d'écouter sincèrement. Je pense que c'est la chose la plus importante. Si vous faites cela, vous désapprendrez automatiquement à toujours regarder le monde de la même manière. »

Sumer : « J'ai une question. Être ouvert à l'écoute et à la parole sincère. Lors de la conférence, j'ai observé beaucoup de faux-semblants. Tous les adultes ici ne font que parler en disant « Oh, moi, moi, moi ». Ils ne font que parler ainsi et ne se connectent même pas les uns aux autres. Cela ne se produit pas du tout. Ils disent simplement « Oh, j'ai ce diplôme, ce doctorat, je viens du Schumacher College », peu importe, donc... »

Mattias : (rit un peu) « Tu as observé ça ici, oui ? Que les gens parlent souvent en termes de « moi, moi, moi », c'est intéressant... »

Sumer : « Oui, c'est ce dont ils parlent. Ils essaient de nourrir leur ego et ne se connectent pas du tout les uns aux autres. Ils se contentent de dire... le genre de communication qui vient de l'intérieur, comme je l'ai dit, ils ne peuvent même pas y toucher. ... »

Mattias : « Oui, je pense que, comme beaucoup de gens ici, moi y compris, nous sentons que quelque chose doit changer et que nous devons évoluer vers un monde où les gens sont plus connectés. Mais en même temps, nous sommes nous-mêmes très souvent encore prisonniers de ce vieux comportement « moi » (rit un peu), où exactement, où tout le monde essaie de communiquer son opinion, veut faire comprendre aux autres à quel point il est diplômé, intelligent, etc., et où nous oublions souvent de nous écouter, de nous ouvrir vraiment aux autres. »

Sumer : « C'est juste que les adultes ne nous voient pas vraiment, alors chaque fois que nous parlons, ils disent : « Oh, quels gentils enfants, oh oui, on a besoin des enfants. » C'est comme s'il y avait un énorme fossé entre nous. Inconsciemment, ils font de nous une espèce vraiment différente. En quelque sorte... Avec les grands mots, mais comme les grands mots, j'ai parfois l'impression que les grands mots vous éloignent de ce que vous essayez de dire. Et je pense que les mots simples, la simplicité, sont bien meilleurs pour communiquer. »

Mattias : « Je pense que les adultes ont souvent un peu peur des enfants, parce que les enfants sont plus sincères, leur ego est moins fort et leur âme est plus forte. Et tous ceux qui se réfugient dans la coquille de leur ego, comme le font la plupart des adultes, ont généralement peur des personnes dont l'âme transparaît, parce qu'ils se sentent confrontés au fait qu'ils mènent une vie qui n'est pas vraie. C'est probablement pour cela que les adultes dévalorisent très souvent les enfants. Ils font comme si ce qu'ils avaient à dire n'avait pas d'importance, alors qu'en réalité, ce sont précisément les paroles des enfants qui constituent le discours authentique dont nous avons besoin pour créer une société vraiment nouvelle et connectée. Et je suis très heureux que tu me poses des questions et que tu me dises tout cela. »

Sumer : « Je pensais que tu étais l'un des rares adultes à nous considérer réellement comme des êtres humains. »

Mattias : « Il y en a d'autres aussi... »

Shinthoy : « J'avais une autre question : quand on a ses propres opinions, c'est comme si on ne pouvait pas les exprimer, à cause de la façon dont le monde est, parce que les gens se font des idées sur moi. Est-ce que tu ressens ça ? »

Mattias : « Oui, vous savez, je pense qu'il y a beaucoup à dire à ce sujet. Premièrement, je pense qu'il est important d'avoir sa propre opinion. Et deuxièmement, il est important de l'articuler, de l'exprimer. Et comme vous le dites, certaines personnes pensent qu'il est facile d'exprimer leur opinion, elles peuvent le faire facilement, peut-être parce qu'elles sont un peu plus extraverties de nature, un peu plus articulées. D'autres personnes n'y parviennent pas et, très souvent, ces personnes sont symboliquement assassinées. Parce qu'elles ne peuvent pas exister en tant qu'êtres parlants. En tant qu'êtres humains, lorsque nous ne pouvons pas parler, nous perdons notre existence. Nous avons besoin de parler, nous sommes des êtres symboliques qui ont besoin d'exprimer ce qu'ils pensent. Je pense que nous pouvons tous faire beaucoup les uns pour les autres si nous aidons les personnes qui ont du mal à exprimer leur opinion, si nous les aidons en leur faisant sentir que nous ne les jugerons pas, que même si elles s'expriment de manière imparfaite, quelle que soit leur opinion, nous l'écouterons du mieux que nous pouvons et nous la considérerons comme quelque chose d'important, non pas parce qu'elle est vraie ou fausse, cela n'a pas d'importance, mais simplement parce que c'est l'opinion de quelqu'un. Je pense que c'est ce que nous devons apprendre. Peu importe, au départ, qu'une opinion soit juste ou fausse. Ce qui importe vraiment, c'est que nous créions une vie commune, une société où chacun peut sentir qu'il a le droit d'avoir sa propre opinion. C'est la chose la plus importante. La question de savoir si l'opinion est juste ou fausse n'a qu'une importance secondaire. Il en va de même pour notre propre opinion, nous devons simplement trouver le courage d'exprimer notre opinion même si elle est peut-être fausse. Notre opinion est souvent fausse et elle changera, l'opinion que nous avons aujourd'hui ne sera probablement pas la même que celle que nous aurons l'année prochaine. Mais cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas l'exprimer. Chacun a le droit et même le devoir éthique d'essayer d'exprimer son opinion, même si elle est fausse. Et nous avons également le devoir éthique d'écouter sincèrement l'opinion de quelqu'un, même si elle est fausse. »

Sumer : « J'aimerais ajouter quelque chose. Hier, nous sommes allés au village pour le congrès et tout ce qu'il y avait à faire, c'était parler, parler, parler. Personne n'écoutait ce que l'autre avait à dire. Ils ne faisaient que parler, parler, parler, parler. »

Mattias : « Oui, cela fait aussi partie du problème, je le remarque souvent et je le remarque aussi chez moi, par exemple quand je participe à un panel et que quelqu'un parle, je remarque souvent que je n'écoute pas vraiment, je pense déjà à ce que je vais dire et je n'entends plus ce que l'autre va dire. C'est encore une fois l'ego qui est à l'œuvre. »

Sumer : « Je le remarque aussi chez moi. Le simple fait de le remarquer suffit. Mais là-bas, personne ne remarque quoi que ce soit. »

Mattias : « Hm, c'est la première étape que de le remarquer, d'en prendre conscience, oui. »

Sumer : « C'est comme si je voyais cette pensée : « Oh oui, ils parlent, mais je m'en fiche, je ne m'intéresse qu'à ce que je vais dire. »

Mattias : « Exactement. »

Ashmita : « Parfois, c'est comme si beaucoup de gens essayaient de s'intégrer dans le monde, sans rien demander. Peut-être pensent-ils qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez eux et qu'ils ne seront pas entendus ou reconnus. Et ils essaient simplement de s'intégrer dans le monde. »

Mattias : « Oui, oui, je pense que ce que tu mentionnes est vraiment lié à l'ego. Je pense que très souvent, nous essayons simplement de nous montrer à la hauteur ou de correspondre à tous ces idéaux que le monde veut nous imposer. Nous avons le sentiment que nous ne sommes pas assez bien tels que nous sommes, mais que nous devons être ce que les autres attendent de nous. C'est là, je pense, que nous perdons le contact avec nous-mêmes et que nous disparaissons dans un monde d'apparences. C'est là que nous disparaissons dans un monde factice, parce que nous essayons d'être quelqu'un que nous ne sommes pas. Je pense que ce à quoi vous faites référence, c'est le fait que notre ego essaie constamment de nous convaincre que nous devons être ce que les autres veulent que nous soyons. Curieusement, alors que notre ego nous promet toujours qu'il fera de nous un roi, il fait en réalité de nous un esclave. »

Shinthoy : « Hier, cette femme disait en quelque sorte que « tout le monde a du bon sens ». Je me suis donc posé la question suivante : qu'est-ce que le bon sens, car le bon sens est différent pour chacun et correspond en fait à une fausse normalité. Alors, qu'est-ce que le bon sens ? »

Mattias : « C'est une bonne question. Tu connais le philosophe Descartes ? »

Les enfants en chœur : « Oui ».

Mattias : « René Descartes a dit : « Le bon sens semble être la seule chose dont tout le monde dispose en quantité suffisante. » Tout le monde pense avoir du bon sens et, justement, on oublie la question : « Que signifie exactement « bon sens » ? » Euh, je pense que le bon sens, c'est quand on agit parfaitement selon la vision du monde qui domine dans une société. Est-ce une bonne réponse ? Je ne sais pas. Selon vous, qu'est-ce que le bon sens ? »

Shinthoy : « Je pense que cela devrait être différent pour chacun, car puisque tout le monde n'est pas pareil, pourquoi le bon sens devrait-il être le même pour tous ? »

Mattias : « C'est probablement aussi le problème avec le bon sens, que lorsque les gens se disent « Fais preuve de bon sens ! », ils veulent en fait dire « Tu devrais penser comme tout le monde ». C'est une question vraiment difficile, « Qu'est-ce que le bon sens ? »

Sumer : « J'ai quelque chose à dire qui concerne leurs deux questions. Je crois que c'est dans votre discours que vous avez dit que lorsque vous regardez une autre personne et qu'elle vous ressemble, qu'elle a les mêmes croyances, les mêmes goûts, et qu'elle est du même parti politique que vous, vous ne l'aimez que pour ces raisons, c'est du narcissisme. »

Mattias : « Exactement. »

Sumer : « Donc, à l'école, ils veulent que les enfants pensent ce qu'ils pensent être juste, ce que la société pense être juste, et c'est aussi ce que je considère comme du narcissisme. »

Mattias : « Je suis d'accord, c'est du narcissisme, littéralement, parce que le narcissisme, comme vous le savez peut-être, vient du grand mythe de Narcisse. Narcisse était un prince grec très beau et très séduisant qui, un jour, vit son reflet dans un lac et tomba amoureux de lui-même. Il était tellement fasciné par son propre reflet qu'il ne pouvait plus entendre la voix de sa bien-aimée. Le narcissisme, c'est donc l'amour de son propre reflet. Lorsque vous n'aimez les gens que lorsqu'ils votent pour le même parti politique que vous, lorsqu'ils agissent comme vous, ce que vous aimez, c'est votre reflet, et ce que vous ressentez n'est pas de l'amour, c'est du narcissisme. Cela vous isolera et vous rendra incapable de ressentir de l'amour. Je pense que c'est l'une des façons dont nous pourrions caractériser le problème de notre société. Je pense que c'est peut-être beaucoup plus vrai en Belgique qu'ici au Ladakh, où je pense que la société est légèrement moins narcissique. Plus la technologie est utilisée, plus elle deviendra narcissique. »

Sumer : « Comme les selfies. »

Mattias : « Tout est construit, comme les algorithmes des réseaux sociaux qui sont tous conçus pour sélectionner des personnes qui vous ressemblent, qui confirment votre propre image idéale. »

Maahir : « Tu as quelque chose à partager ? »

Mattias : « Oui, il y a beaucoup de choses que je voudrais partager. Je suis très heureux que vous soyez ici. Je n'ai jamais participé à une conférence où il y avait des jeunes comme vous et je suis très surpris que vous compreniez mieux la plupart des choses que les adultes. Pour moi, c'est une expérience très agréable d'avoir cette conversation avec vous. J'espère que nous nous reverrons lors d'autres conférences et si vous le souhaitez, je vous donnerai mon adresse e-mail. Vous pouvez toujours me contacter. Et j'aimerais vous demander une faveur : pouvez-vous m'envoyer l'enregistrement ? »

Les enfants en chœur : « Oui, bien sûr ! »

Mattias : « Je serai ravi de l'écouter, oui. Merci !

Les enfants en chœur : « Merci, merci ! »


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